Parce que ne sais pas par où commencer tant ce film de 3h08 est riche, délicieux et vivant, je vais commencer par la fin. Comme le dit @Figoluu, c'est une fin godardienne sous forme de collages et cela témoigne d'un amour profond pour le cinéma sous forme d'hommage, une véritable ode au 7ème art. Le héros disait au départ vouloir "marquer le cinéma et faire quelque chose de grand", il se rend compte à la fin, alors qu'il pensait avoir tout raté, qu'il a participé à cela, qu'il a fait partie de ce grand tout et il pleure en se rendant compte qu'il a servit à quelque chose. Ce qui est narré dans Singing in the rain, cela fait désormais partie de l'Histoire. Un mouvement de caméra s'éloigne et la place au dessus des spectateurs dans la salle de cinéma où je suis moi-même et je prends conscience que je suis en train de vivre une expérience esthétique, une claque, une vraie torgnole en pleine face ! Je découvre que je suis extrêmement ému comme je ne l'ai pas été depuis longtemps et je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, il semble alors que tout est si bien dit dans les images.
Babylon, c'est l'histoire d'un jeune mexicain dont nous allons suivre les pérégrinations durant sa carrière à travers les débuts du cinéma muet en 1926 jusqu'en 1950 avec l'arrivée du cinéma parlant. On suit également également 3 autres personnages qu'un destin différent entraine, à savoir un acteur à succès qui perd de son importance (basé sur une histoire vraie d'un acteur de l'époque mort à 38 ans), une jeune actrice cocaïnomane et un trompettiste noir. Le film ne traite pas d'une histoire d'amour, et c'est ça que j'aime, oui le jeune mexicain est amoureux mais au diable l'amour, il y a autre chose ! Damien Chazelle a décidé de décrire une fresque incroyable où le jazz est omniprésent, pour moi c'est peut-être son plus bel hommage à cette musique et on a de beaux plans de jazz-men, de close-up sur l'instrument du trompettiste. Ce rythme qui ne nous quitte pas et me rappelle Birdman dans lequel l'atmopshère était générée en fonction du son des cymbales, des instruments et de la caisse claire. Alors oui, cela déroute parce ça fait très fresque à la "Il était une fois à Hollywood". On se retrouve dans un film qui vient nous prendre par les tripes pendant les 45 premières minutes pour se calmer ensuite pendant une heure avant d'exploser de nouveau en troisième partie avec Spiderman qui arrive un peu au milieu de nulle part et vient nous faire son numéro.
Au début du film, on se trouve dans une grande fête qui me rappelle celle de Gatsby. C'est une scène formidable qui deviendra rapidement un classique du cinéma, j'ose l'avancer et c'est la scène la plus importante du film qui doit bien durer vingt minutes. Les gens dansent, la fête bat son plein, des dizaines de personnages aux traits burlesques se partagent la piste d'un grand manoir et on se plait à observer ce manège, on se dit que Chazelle est vraiment un réalisateur qui sait filmer le spectacle (Whiplash, Lalaland). Et là Margot Robbie s'élance avec sa robe rouge et on tombe tous amoureux. Elle n'est personne mais elle est déjà quelqu'un, elle est une star et elle occupe l'écran, comme magnétique. Tout d'un coup, elle s'allonge dos à la piste de danse et se relève aussitôt dans un mouvement brusque, un cercle autour d'elle se découvre et tout le monde est envouté. Quel bonheur ! Quel fantasme !
Et puis soudain tout le monde se tait, plus un son, la chinoise va faire son petit numéro et elle se met à chanter façon cabaret. On aurait envie et on croit presque que ça va devenir une comédie musicale. D'ailleurs à de nombreuses reprises, un des thèmes du films est très similaire à celui de Lalaland et on entend du Demy notamment dans ce passage avec la chinoise qui rappelle Les Parapluies de Cherbourg. Nul doute que la musique de Justin Hurwitz va encore rafler un Oscar...
Quelques scènes après, on est transporté en plein milieu de tout un tas de tournages dans ce qui me semble être une Californie aride. Et quel bordel, c'est génial comment il filme tout ça ! Ca va dans tous les sens et on se souvient que comme c'est du cinéma muet, on s'en fout qu'il y ait du grabuge. La jeune Margot Robbie arrive sur une scène et fait un numéro d'acteur qui donne le vertige. Les larmes coulent sur ses joues, cette fille est dingue ! On sait pertinemment qu'elle va donner du fil à retordre à notre petit mexicain fou amoureux et on s'imagine déjà le scénario à la Lalaland où elle va monter haut grâce à son attitude déjanté tandis que lui va galérer. Et c'est d'ailleurs exactement ce qui se passe à la différence que la fin de Babylon est davantage tragique.
Au bout de 45 minutes de film, le titre "Babylon" apparait en gros sur l'écran pour la première fois. J'adore quand le réalisateur se donne ce genre de permissions et on se dit que maintenant le film va vraiment commencer, Babylone qui n'est autre que Hollywood vient de nous être introduit de manière brutale, maintenant place à sa construction avant sa disparition car comme la journaliste le rappelle très bien, rien ne dure jamais, tout à une fin. Ce n'est pas parce qu'un grand acteur n'est plus à la hauteur mais parce que le monde change et que c'est ainsi, l'hymne au progrès est bien là, il faut accepter que tout puisse évoluer.
Quant à la photographie est excellente, on se demande comment ils ont fait pleins de plans. L'humour est horripilant. J'émets quelques critiques sur la scène du vomi, du serpent et des caves avec Spiderman qui me semblent inutiles si ce n'est pour plonger un peu plus dans le tragique. Cela est vite épongé par le reste, ce film est un bijou, allez le voir.