Sur la police qui n'a pas accès aux récréations à base de dents de Gilets jaunes

« Western urbain » ouvertement mais prudemment associé au réel. Toute cette galerie a effectivement un aspect un peu rustaud, ou bien bassement cynique et blasé, terriblement réaliste (le pire étant la laideur et la vulgarité du personnage d'Adèle – qu'on voudrait ne pas mépriser... au contraire celui d'Amel, traîtresse faute de mieux et presque avec idéalisme, est attirant en tous points). Même si la violence de leur charge (et la complaisance du scénario) les rend sympathiques, les recrues policières ne sont pas des individus très recommandables, ni adultes (sauf le principal, celui de François Civil) ; leurs mœurs parfois semblables à celles de leurs ennemis, avec un côté tribal – mais dans leur situation il n'y a de place que pour les valeurs de survie ! La véritable Bac est souvent accusée d'avoir un comportement proche du racket, celle du film (plutôt victime et toujours de bonne foi) pèche seulement par son impulsivité et ses flirt justifiés (voire exigés) avec l'illégalité – tandis que sa hiérarchie écœure avec son inertie de calcul puis de conviction.


Il fallait une mise en scène un peu virile pour que (hors farce ou 'exploitation' type Vice Squad) cette médiocrité ne tire pas le film vers le fond ou l'insignifiance (car une intrigue intense n'y change rien) ; le réalisateur de HHhH nous l'offre – la plupart de ses collègues reconnus n'auraient pas su et auraient pondu du Loach ripoliné. La bande-son est lourdingue mais évite peut-être une certaine sécheresse qui aurait rendu le film encore plus intimidant et odieux pour ceux qui en dénoncent les amalgames etc. Ce que je pourrais regretter avec ces flics en moralité, c'est que le film montre peu les gens des cités (ne laissant voir que leurs milices, donc l'ennemi) ; mais ce dont je me serait satisfait (voir ces territoires comme des îlots défrancisés, dans leur normalité et leurs excès) aurait été le comble de leur horreur et c'est justement l'habileté du film, à la fois pour plaire (à ceux qui veulent un cinéma 'vrai' sans niaiserie comme à ceux qui souhaitent des réponses musclées contre la délinquance) et pour tempérer les polémiques inévitables, que d'éviter d'étaler à rallonge la dépravation et la disparition du droit et des libertés dans les zones perdues de la France.


La nation et la république semblent étrangères à tout ce qui se produit ici et ses représentants, donc le pouvoir [public], n'entrent en jeu que pour sanctionner les bavures ou condamner verbalement les turbulences quelque soit leur source ; au fameux 'manque de moyen' s'ajoute le manque de confiance et de légitimité accordées à la police, l'absence de proposition concernant des populations qui, par construction ou atavisme (ou oppression diront ceux qui ne trouveront pas dans Bac Nord le narratif 'social' qu'ils estiment nécessaire), se vivent comme hostiles au pays (ou au moins dissociés) – effectivement, à part en devenir de nouveaux prolos tout en se sentant dénaturés, qu'auraient-ils à tirer d'une 'assimilation' ? Comme nous sommes en France il ne s'agit pas de punir ou d'investir ; il faut 'encadrer' et encadrer jusqu'aux encadreurs assermentés. Comme suite (à ce film) on envisage difficilement autre chose qu'un nuancier entre pourrissement et explosion, à moins d'une séparation formelle entre ces gens qui ne se ressemblent que pour le pire.


https://zogarok.wordpress.com/2022/02/05/bac-nord/

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le 26 janv. 2022

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