Troisième long-métrage de Céline Sciamma, Bande de filles semble opérer comme une boucle en renouant avec les thèmes de son premier, Naissance des pieuvres. Si la présence à la bande originale de Para One accentue encore cette impression, c’est d’abord parce que nous partageons le quotidien d’un groupe de filles adolescentes, un univers dont les adultes sont globalement absents, que surgit le rapprochement. Alors que les jeunes héroïnes de Naissance des pieuvres, outre leur complicité et leur préoccupation (premiers émois et perte de la virginité), avaient en commun une discipline sportive (la natation synchronisée), les quatre filles du nouveau film de la réalisatrice de Tomboy, un peu plus âgées, sont plus directement confrontées à comment trouver sa place et choisir son avenir. Peut-être parce qu’elles évoluent dans une banlieue moins favorisée, peut-être aussi parce qu’elles sont noires. Il s’agit d’un choix revendiqué et assumé par la cinéaste qui, poursuivant son travail autour des problématiques liées à la jeunesse et à l’initiation, souhaitait cependant l’arrimer à une réalité plus sociale et politique.

Étrangement, c’est cette dimension qui est justement la moins convaincante, la plus ratée. Subjuguée par ses jeunes comédiennes en effet formidables, belles et pleines de vitalité, Céline Sciamma met en scène une suite de plans plastiquement impeccables : le teint et l’éclat des peaux contrastant avec les à-plats gris bleutés, resplendissants à la lumière naturelle et solaire, l’utilisation des perspectives dessinées par les coursives d’immeubles, les lents travellings sur le quatuor. Dommage que ceux-ci laissent un sentiment de vide, d’inabouti quand ce n’est pas l’incohérence et l’absence de réalisme qui finissent par sérieusement handicaper une dernière partie inepte. En paraissant lorgner du côté de Gus Van Sant (Elephant) et d’Abdellatif Kechiche (L’Esquive), la réalisatrice de Pontoise perd de son originalité, altère sa marque de fabrication. Mais c’est avant tout un scénario mal construit véhiculant principalement des clichés sur le monde qu’il dépeint qui fait naitre la frustration et la déception. Quelques belles fulgurances largement inspirées de la beauté et de la présence des jeunes comédiennes ne suffisent pas à détourner le film d’un parcours balisé et convenu.
PatrickBraganti
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le 24 oct. 2014

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