Avec cette affiche bien sentie rappelant aux Safaris qui ne laissent aucune chance à leur proie démunie, le ton est donné et si Fabrice Eboué semble s'amuser de la destinée mortifère des vegans, de leurs techniques de frappes aléatoires, ou de rappeler à leurs recettes de saucisses, pour une contradiction bien malheureuse -mais justifiée à ne pas heurter les habitudes du client potentiel- il a la bonne idée de n'épargner personne. Bouffeurs de viande sans complexe, végan maigrichon, gros aux difficultés respiratoires, et autres noirs aux vélléités de réussite sociale, le capitalisme, la bêtise humaine et l'élevage intensif, viennent égrener cette satire plutôt réjouissante.


Que l'on soit vegan, végétalien ou simplement moins excessif dans son rapport à la viande, on ne s'offusquera pas du portrait qui en est fait mais on s'en amusera bien souvent. A l'instar des militants du front de libération des animaux, du film sud-coréen, Okja, ici les antispécistes à défaut d'être de grands rêveurs, pointent le besoin de violence de l'être humain, quel qu'il soit, quand celui-ci ne peut pas se défouler sur les animaux à quatre pattes, il le fera sur ceux à deux. On le verra d'une façon également détournée et jubilatoire avec Jean-François Cayrey et son épouse (Virginie Hocq) en pleine admiration pour son mari adepte des armes, tirant avec une belle jouissance à défaut d'autre chose, sur la bouée gonflable de leur piscine.


Ceci dit, on est d'autant plus étonné par cette comédie à l'humour noir, que la mise en scène de l'humoriste joue de la comédie romantique en la poussant jusqu'à l'absurde à réveiller les amours endormies, par la radicalité des solutions.
Dans l'univers français un exercice à bien des égards réussi. Et si Fabrice Eboué et Marina Fois ne sortent guère de leur jeu et expression si connus aux dialogues bien téléphonés, on se rattrape avec ce couple d'amis suffisants et fiers de l'être, au racisme ordinaire et où l'argent est le maître mot de leur conversation, tous deux parfaits, qui renvoient au fantasme de Sophie, dépassée par le manque d'envergure de son mari, et qui nous fait en passant, un cours sur le délicieux d'un veau ou d'un agneau. Comme dirait pourtant Joachim Phoenix, si l'on devait manger nos enfants, on serait végétarien. Encore raté.
Gentiment gore, mettant en valeur le féminin qui ne sera pas sous son meilleur jour et son regard à l'autre, la notion de virilité prend toute son importance pour la bonne continuité du couple, quelle que soit la méthode. Et c'est avec un aperçu de nos besoins de sensationnel et de voyeurisme, quand Sophie regarde chaque soir, l'émission Faites entrer l'accusé qu'Eboué introduit le cheminement meurtrier d'un couple revanchard et rappelle que tout à un prix.
Vincent et Sophie Pascal, au même nom évocateur de ces faits divers de la France Profonde voient leur boucherie attaquée par une bande de vegans, déguisés en lapins inoffensifs, pour dénoncer la maltraitance animale.
D'un effet rebond ce sera notre couple qui prendra la main par accident voyant là une réponse à leurs problèmes, en s'adonnant à une recette vegane pour le moins originale, dont tous leurs clients deviendront friands. L'effet miroir de certains excès fait mouche, les clients se laissant aller aux insultes quand leur estomac risquerait de ne plus être contenté à la rupture de stock. Un tantinet poussif dans les caractères contraires, abusant de l'effet documentaire animalier pour nous rappeler à nos instincts animaux, on se laisse porter par le délire et ce sera aussi l'excellent moment de dialogues dévastateurs avec le futur (ex?) gendre, dictateur avéré vegan, mais que l'on peut renvoyer sans peine aux comportements des viandards évidemment. Ces mangeurs de viande qui se font du mal à la santé, peu goûteux au final quand on décidera d'en faire des jambons, pour une dénonciation de la mal bouffe.


Si la mise en scène reste peu inventive, la narration n'accuse aucun défaut de rythme et toutes les actions s'enchaînent avec fluidité au soupçon de suspense bienvenu. On peut regretter des actions sanglantes répétitives, sans grande originalité, mais on sourit de quelques clin d'œil au cinéma du genre, entre ciré, gros couteau et scènes de nuit où l'humour prend la main dans les techniques tout autant aléatoires pour ces débutants du crime, avec un ultime regret émotionnel de Sophie, tombant bien sûr, comme un cheveu sur la soupe.


Une comédie noire décomplexée à ne pas bouder.

limma
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le 20 févr. 2022

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