Barton Fink est le film qui a permis aux frères Coen d’entrer dans la cour des grands. Auréolé d’un triplé inédit à Cannes (Palme d’Or, prix de la mise en scène et prix du meilleur interprète) où le film a fait fureur, il a cependant peiné à séduire dans les salles.


Sa création intervient en pleine préparation de Miller’s Cossing. Les frères Coen, Joel et Ethan décident de faire une parenthèse pendant laquelle ils composent un nouveau scénario inspiré de leurs propres difficultés. En trois semaines, le film est dans les cartons.


Barton est un jeune dramaturge qui cède aux sirènes d’Hollywood et part à Los Angeles pour écrire des scénarios de films. Mais le voilà déserté par l’inspiration et confronté à l’insoluble dilemme de la feuille blanche. Cloîtrer dans sa chambre d’hôtel, il va vainement tenter de se sortir de cette impasse tandis que sa vie part dans une lente et longue déliquescence.


Outre ses qualités esthétiques franchement superbes, le film captive et envoute un peu à la manière de Mullholand Drive ou Une Histoire Vraie de David Lynch. Dans un huis-clos partiel, on suit la lente descente enfer de Barton Fink, ses obsessions, ses troubles, le tout dans une atmosphère surréaliste. À première vue le scénario paraît assez quelconque, un écrivain qui se retrouve soudain muet, c’est un thème plutôt classique (Misery, Fenêtre secrète, Neverland) mais les frères Coen s’amusent à brouiller les pistes de façon retorse dans un univers réduit. L’hôtel est la métaphorisation des angoisses de Barton. Sa chambre, une analogie de son état d’esprit. L’atmosphère devient de plus en plus oppressante au fur et à mesure du récit et la double signification des dialogues ne fait que nous plonger plus profondément dans le doute.


L’hôtel Earle est un personnage à part entière comme pouvait l’être l’hôtel Stanley dans Shining. Cette enfilade de long couloirs déserts, les murs où le papier peint se décolle en permanence. Tous ces éléments lui confèrent une vie propre et font de lui un personnage à part entière.


D’un scénario qui parait assez quelconque au premier abord, le duo de scénaristes parvient à créer un univers d’une dimension psychologique suffocante. Les frères Coen nous proposent une galerie de personnage au style incomparable avec en point d’orgue John Turturro en écrivain désabusé et le fantastique John Goodman en psychopathe fou à lier.


Joel et Ethan Coen se payent le luxe de dénoncer l’industrie hollywoodienne et l’exploitation des écrivains. Le personnage de l’écrivain déchu et alcoolique W.P. Mayhew interprété par John Maloney est fortement inspiré de William Faulkner.


Une mise en scène minimaliste au possible, des dialogues ambigus et une étude poussée des personnages sont les clés du succès de Barton Fink. Incompris à sa sortie, le film est aujourd’hui un classique des frères Coen et son inventivité et son style unique en font à mes yeux leur meilleur film devant Fargo, No Country For Old Men ou The Big Lebowski.

Paul_Gaspar
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le 13 avr. 2021

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