L'injustement oublié

Premier constat : Je n'ai jamais vu, ni même entendu parler, de Basil, détective privé pendant mon enfance. Second constat : il n'est jamais cité dans les films Disney, relégué au rang de film mineur et oubliable. Troisième constat : la seule scène que je connaissais du film, c'est celle de la danseuse a moitié déshabillée.
Conclusion : selon ces indices, ce n'est pas le meilleur Disney. Et puis je lance le film. Et je me rends compte progressivement de l'injustice que c'est.

En effet, Basil m'apparaît aujourd'hui comme le meilleur Disney, non pas tout court, mais au moins de sa décennie, voire de cet âge noir. Tout cela grace à de bonnes idées, une ambiance oh combien innovante pour le studio, des personnages formidables et un scénario plutôt bien ammené.

Issu de livres pour enfants, Basil détective privé est avant tout une sorte de parodie de Sherlock Holmes, mais avec des souris. Ce film nous raconte d'ailleurs l'enquête de Basil, qui part à la recherche du père d'une petite fille avec l'aide de cette dernière et du Docteur Dawson. Nous suivons donc l'enquête, qui n'est pas bien complexe (c'est normal, n'oublions pas qu'il s'agit d'un film pour enfants), mais qui reste bien ammenée dans ses rebondissements et remplie d'épreuves réellement effrayantes et pleines d'action. Les péripéties se suivent avec une réelle excitation, un fait rare dans les films destinés aux enfants, au point que l'on s'inquiète souvent pour la vie de nos amis souris. Peu d'incohérences sont à relever dans cette aventure rudement menée et laissant peu de place à l'ennui. L'une des grandes reussites du film se situe justement dans cette ambiance de "polar", de détective, qui apporte son lot de sombres coins et sombres machinations : le film se situe majoritairement de nuit, sous la pluie, dans une reconstitution plutôt sombre de Londres, qui dessert un peu la ville, mais pas le récit, bien au contraire. Les lieux traversés -ruelles sales, bar, docks, égouts- sont parfaitement intégrés à cette ambiance noire, rendant le film, dans son thême, plus proche des adultes que des enfants. Une impression encore renforcée par les tons très sombres employés pour tous les décors, y compris les plus "joyeux". C'est une réussite, parce que cela nous change, mais aussi parce que, par un petit quelque chose, on adhère complètement, indépendamment des qualités intrinsèques des décors, même lorsque -comme moi- on attend de Disney qu'il fasse du Disney et que le classicisme ne nous dérange pas. Encore plus sombre est le très réussi et très retors méchant Ratigan, qui en plus d'avoir une classe incroyable, une voix merveilleuse, réussit l'exploit de me mettre mal à l'aise (c'est vrai quoi, ce n'est qu'un rat animé !). Sans doute parce que son manque total de coeur, ses façons de tuer avec plaisir et ingéniosité, le rendent plus méchant que méchant.

Les autres personnages ne sont pas en reste. Tous se trouvent bien définis et sont attachants. Celui qui remporte le plus immédiatement l'adhesion (et qui est en voix off, d'ailleurs) est le docteur dawson, dont la gentillesse, l'intelligence, mais aussi son petit côté enfantin ou dragueur le rendent irrésistible. À ses côtés, Basil est dépressif, égoiste (il n'écoute pas Olivia et ne l'aide que parce qu'il veut se débarasser de Ratigan), froid, mais terriblement sympathique. Son intelligence et ses capacités de raisonnement n'ont rien à envier à son modèle et son évolution au cours du film le rendent envore plus agréable. Enfin, signalons Olivia, petite fille qui possède un caractère plutôt combattif et Fidget, sous-fifre de Ratigan, que je ne peux pas m'empêcher d'apprécier malgré sa trogne et son camp. La galerie de personnages est donc intéressante en ce qu'elle s'éloigne totalement -mais avec bonheur- des autes personnages, donnant l'impression de s'adresser plus aux adultes qu'aux enfants. Le recit bénéficie également à plein d'un humour agréable et bien dosé, mais aussi d'une animation réussie et parfois même inventive (certes, l'incrustation de la synthèse marque, mais quelle prouesse pour l'epoque, et quelle apparence terrible cela donne aux rouages !) qui, pour une fois dans cette periode, ne réutilise pas d'anciennes poses.

Enfin, la musique, composée par Henry Mancini, est très agréable. Le peu de chansons (dont on pourra, si l'on est puristes, regretter la quasi-absence) sont également de bonne facture.

Bref, Basil a été une bonne decouverte a laquelle je ne m'attendais pas forcemment compte tenu de sa grande situation d'oublié. Coup de coeur inconcevable, je ne peux que le recommander. Et de comprendre pourquoi Musket et Clemens ont été choisi pour realiserle film qui sauvera le studio.