Wellman ayant traité de la première guerre mondiale dans son dernier film muet Les Ailes, il semblait logique qu’il consacre un film à la deuxième. C’est chose faite en 1949 avec Battleground, qui se passe en 1944 et voit les armées américaines occupées à libérer la France.


On retrouve l’idée de deux amis séparés dans des compagnies différentes, mais à la différence des Ailes, l’accent sera moins mis sur le registre pathétique. Wellman semble surtout préoccupé par l’échelle humaine et individuelle du conflit. Les soldats cherchent à se faire une place dans la neige, au sein d’une forêt hostile, se cuisent une omelette dans un casque, cherchent des nouvelles de leur congénères et ironisent sur la phrase, répétée souvent : « I found a home in the army ».


De la France, on ne verra finalement pas grand-chose, si ce n’est une incursion dans un village permettant à Denise Darcel (qui refera la joie de Wellman dans Convoi de femmes) de se faire la porte-parole d’un pays ravagé et dans l’attente de la libération, avant un départ vers des contrées plus obscures.


Car ce qui frappe avant tout dans ce récit de guerre, c’est la confusion. Des stratégies, des décisions, de la géographie des lieux, on ne sait pratiquement rien, particulièrement dans les deux premiers tiers du film. Le brouillard, la nuit, la neige, l’opacité des sous-bois saturent l’espace et contraint les hommes à attendre, d’autant que l’ennemi lui-même se déguise en GI pour attaquer.
Le hors champ prend donc une importance capitale dans la dynamique du récit : par une bande sonore occupée par les bombardements, par l’inquiétude de ne pas voir revenir des camarades, et cet autre camp presque invisible.


Le rythme en pâtit forcément un peu, mais se trouve relancé par la proposition de négociation en pleine forêt et surtout le combat final, qui exploite les difficultés du terrain pour les transformer en avantage. On ne quittera jamais vraiment l’obscurité, car Wellman cherche du côté des hommes et de leurs relations la possibilité d’une éclaircie. Elle adviendra dans cette belle célébration œcuménique à ciel ouvert, qui annonce, avant les files de fantassins qui longent les routes dans l’image finale, la croyance affirmée dans la solidarité et la force du groupe pour vaincre les forces d’une dictature.

Sergent_Pepper
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le 19 janv. 2018

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