Bâtiment 5
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Bâtiment 5

Film de Ladj Ly (2023)

Ce second film de Ladj Ly n'a pas la puissance de son prédécesseur et sans doute également que l'effet de surprise s'est un peu estompé, puisqu'on reste sur la thématique des quartiers dits populaires ou sensibles, selon la perspective que l'on prend pour les observer. Thématique forte de mes visionnages récents, à vrai dire, puisque je vis juste avant celui-ci "Avant que les flammes ne s'éteignent". Pour autant, les deux films divergent dans la façon dont ils abordent un sujet commun : très intimiste, car centré sur une famille de victimes, d'un côté; avec une vision sociétale beaucoup plus large pour bâtiment 5 (et également moins centrée sur les violences policières).


Montvilliers, commune imaginaire mais néanmoins réaliste d'Ile-de-France. D'un côté, le maire - médecin pédiatre - dont la couleur politique n'est pas clairement explicitée, mais qui se situe manifestement bien à droite. Maison bourgeoise, belle voiture, épouse dévouée et charitable, prête à accueillir les réfugiés quand ce sont des chrétiens d'orient. De l'autre, les habitants du fameux bâtiment 5, immigrés de seconde ou de troisième génération, qui vivent entassés dans un immeuble pour le moins défraichi, et qui survivent grâce à la débrouille et à l'entraide. Deux mondes qui ne se côtoient pas : une belle illustration de la fracture sociale française, concept qui fut popularisé de façon éphémère à l'occasion d'une élection présidentielle, il y a de cela une petite trentaine d'année.


Mais voilà que le maire, fraichement promu, quelque peu inexpérimenté et comme évoqué ci-avant plutôt enclin à l'autoritarisme, entreprend de restaurer l'ordre républicain dans le quartier du bâtiment 5. Bien évidement avec le concours de la préfecture et des forces de police. Vont alors s'opposer à lui deux figures du bâtiment 5 : Haby, jeune femme stagiaire à la mairie, et Blaz, son cousin. Haby va jouer le jeu des institutions et la voie du dialogue, à l'inverse de Blaz, dont l'opposition prend des voies extra légales. Ni l'un, ni l'autre ne parviendront à leurs fins et en cela que réside le message, désespérant, du film : quelle que soit la voie choisie, les habitants des quartiers populaires ne seront jamais entendus. Soit ils se font enfumer par les politiques, soit ils se font réprimer par les flics. Une belle illustration des deux versants de la maxime : la dictature, c'est ferme ta gueule, la démocratie, c'est cause toujours. Combien de temps ce modèle, à bout de souffle, va-t-il encore pouvoir tenir ?


Un bon film politique, donc, solidement interprété et porté par un scénario solidement construit. Auquel il manque toutefois un soupçon de flamme pour en faire un grand film.

Marcus31
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le 23 déc. 2023

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Marcus31

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