Batman Vs Superman : L’Aube de la Justice, par où commencer ?
La toute première chose à éviter selon moi est la comparaison entre ce film et l’adaptation Marvel d’Avengers et en règle général à l’adaptation de l’univers Marvel. Tout d’abord d’un point de vue scénaristique, puisque ce film n’est qu’un prélude à un “potentiel” (on ne sait jamais, le projet peut encore être avorté…) mais de plus en plus certain Justice League (Part 1 et 2, encore...) et parce que les thèmes abordés dans l’univers DC sont en général beaucoup plus sombres et plus sérieux que dans Marvel. Ensuite parce que ce film est le résultat d’un pari titanesque de poser les bases solides d’une mythologie peu connue (au cinéma), faisant office d’une suite à Man of Steel, d’une présentation des protagonistes principaux de l’univers DC et d’une introduction à Justice League. Tandis qu’Avengers disposait d’une base de cinq films (Iron Man 1 & 2, Thor, Captain America et L’Incroyable Hulk) pour que le spectateur s’attache aux personnages et adhère à l’univers et grosso-merdo, le cahier des charges était bien contenté.
Ce qui va nous amener à ce qui semble être le principal défaut du film ou plutôt du projet global : la volonté de faire de la thune. Tout le projet repose sur le fait de contrer la Marvel-mania déferlant sur les écrans particulièrement depuis 2008 (Iron Man) et le lancement de la fameuse PHASE 1. Problème qui a induit ce concours de bite incessant entre fans de Marvel et fans de DC et qui a provoqué ce comparatif inutile entre les deux franchises. Ainsi, dès le départ le projet part avec un handicap temporel de taille et deux heures quarante de film (aoutch !) n’y changeront rien. Cependant, Snyder ne se démonte pas pour autant et va utiliser à merveille le temps qui lui est imparti. La mise en place du récit est structuré, les personnages sont dépeints avec précision, les enjeux sont intéressants, percutant, le jeu est juste, bref, la première heure et quart n’est sans doute pas une déferlante d’action pure shootée à l’image de synthèse, mais nom d’un slip en latex on est dedans !
Et on est dedans pourquoi ? On se rappelle des premières critiques du également très controversé Hobbit de Peter Jackson, portant sur ses choix scénaristiques, ses ajouts, ses omissions, etc. Et bien là on a un cas à peu près similaires. Compte tenu de l’opposition Batsy/Superslip, le Dark Knight Returns de Frank Miller est incontestablement une source d’inspiration majeure, mais le scénario propose sa propre vision des personnages et de l’univers. Alors OK, Clark Kent nous fait son grand naïf sur le fait que ses intentions sont bienveillantes et que seuls ses actes convaincront l’humanité si bien que son entêtement (ou sa bêtise ?) est la cause de conflit principale, OK Bruce Wayne est tourmenté par l’apparition de ce Super Jesus en combinaison moulante capable de détruire la planète d’un claquement de doigts si bien que sa paranoïa et sa violence létale (QUOI ?!!) va alimenter le conflit, OK Lex Luthor n’est pas chauve (au début…) et à plus l’attitude d’un Jack Sparrow qu’on a bercé trop près du mur qu’un Kevin Spacey (Luthor dans Superman Returns) si bien que Goebbels pourrait aller se rhabiller. MAIS, ce trio évoque à merveille quelques-uns des plus bas instincts de l’être humain : la condescendance, la peur de la différence et l’amour du pouvoir et encore une fois nom d’un slip en latex, c’est pas crétin ! Et que dire des prestations ? Henry Cavill, qui même si j’avais été quelque peu déçu par un Man of Steel insipide, est très brillant en alien super puissant qui ne trouve pas sa place dans ce monde si ce n’est grâce à son amour pour Loïs Lane. Ben Affleck, qui avait été tant critiqué lors de l’annonce de son apparition sous le masque du Chevalier Noir, nous livre un playboy usé, fatigué, hanté par un passé sombre et tortueux qui colle aux tripes, et qui n’hésite pas à dézinguer du méchant à balles réelles (RE-QUOI ?!). Quant à Jesse Eisenberg, bien que l’ayant trouvé parfois irritant et “too-much”, il n’en reste pas moins très convaincant en fils à papa machiavélique, égoïste et calculateur. Les enjeux sont donc simples, voire calqués sur des sujets et problèmes actuels (religion, terrorisme, intolérance, etc.) mais sont finement entremêlés pour livrer un canevas logique et intelligent (si vous trouvez comme moi bien sûr que s’habiller en chauve souris pour combattre le crime c’est logique et intelligent…). On notera également la performance assez minimaliste mais non moins réussie de Jeremy Irons en Alfred Pennyworth qui sans être exceptionnelle, est toujours juste.
En revanche, là où on se plante totalement, c’est sur la profondeur des personnages féminins...Chute libre totale ! Martha Kent (Diane Lane) et Loïs Lane (Amy Adams) ne servent qu’à se faire enlever et secourir par ces super-messieurs, sans vraiment ajouter beaucoup plus au scénario. Wonder Woman (Gal Gadot), même si elle incarne un personnage plus “fort” (je vais finir par me faire taxer de sexiste) est surtout là pour montrer sa super armure qui ne protègerai même pas d’un courant d’air. La seule qui s’en tire plutôt bien, c’est Holly Hunter (Sénateur Finch, oui son prénom c’est Sénateur...) qui connait une fin prématurée, c’est bien dommage quand on pense que c’est le personnage auquel on pouvait, nous pauvres mortels, le plus s’identifier au vu des circonstances.
Un autre détail de poids qui nous projette à fond dans le film est que l’univers qui nous est présenté est littéralement vivant. Le manoir Wayne est détruit, Batman souffre de rêves post-apocalyptiques, de fameux Méta-humains sont découverts un peu partout sur le globe, Lex Luthor semble être au fait d’une menace plus grande encore que les Kryptoniens, et la liste n’en finit pas de détails plus ou moins importants qui viennent enrichir une histoire qui n’a pas forcément attendu le spectateur pour démarrer. Même si je pense bien que les plus médisants diront que ce n’est que pour mieux servir la soupe aux futurs films de la franchise, on obtient grâce à cela un univers cohérent et solide.
Enfin, et après promis je vous lâche la grappe avec le mot “univers”, ce film propose un vrai univers de Comics DC avec ses ramifications complexes, ses complots, ses Crossovers, ses flashback/flashforward, ou ses délires post-apo et là ou la photographie du film frappe un grand coup, c’est que pour toutes les scènes de combat (quasiment la deuxième heure et quart de film) contre le Troll-des-Cavernes-Doomsday, on assiste à l’évolution d’une fresque épique à la limite du tableau ou de la gravure qui ravit les yeux. Et puisque l’on parle de combat, on assiste également à une grosse scène de baston entre des malfrats et Batman qui s’apparente presque à une cinématique de jeu vidéo et qui me semble être, incontestablement, l’une des meilleures scènes de combat de l’histoire de Batman au cinéma (Jean Michel Jenfaistrop bonsoir…).
Je vais cependant calmer un petit peu le jeu. Evidemment le film n’est pas parfait. On y retrouve pleins de clichés chiantissimes du cinéma américain ; la scène de baston finale contre un méchant moche (est-ce quand on est moche on est automatiquement méchant ?) le personnage qui a fait une connerie et qui ne peut être pardonné uniquement en sacrifiant sa vie, la demoiselle en détresse (x2), etc ; ou des passages obligés comme des indices qui servent uniquement la franchise (Flash, ou un mec qui lui ressemble, qui apparait dans un vortex...) ; ou encore des choix qui feront hurler les puristes (BATMAN TUE DES GENS, MERDE ! CE FILM C’EST DE LA MERDE ! / Superman n’a pas son slip par dessus ses collants). Mais en toute honnêteté, ce film est loin d’être une déception et incarne sans aucun doute un second souffle pour les oeuvres traitant de muscles et de latex. Le tout est de savoir si la franchise s’arrêtera au bon moment…(Phase 1, phase 2, phase 50 ?).