La foudre s’est fracassée contre le sol d’un seul trait et le combat tant attendu a bien eu lieu. Sous une pluie battante, le sol a tremblé, mais le temps ne s’est pas arrêté pour autant. A ma droite, Batman, hanté par l’horreur du carnage, violent et nihiliste comme rarement au cinéma, proche de la schizophrénie latente et de la criminalité notoire. Sa volonté de sauver un monde qu’il ne contrôle plus, par peur de voir l’humain se soumettre à quelque chose d’extraterrestre, voire de divin. Dès lors, Superman est-il l’opium du peuple ? Et l’humanité dans tout cela, sa place ? Difficile à dire. A ma gauche, Superman. Muscles saillants, dents blanches, esprit bisounours qui ne comprend pas les écueils sur son hégémonie et les conséquences mortelles de la petite sauterie qu’il a achevée avec son pote Zod lors de Man of Steel. Lui qui vient de son Kansas aussi plat que bas de plafond. Le petit nouveau de la firme DC Comics était attendu aux encablures et laissait penser inaugurer bien des choses après un Man of Steel bancal mais qui regorgeait d’une vraie singularité dans son chemin de croix, dans son récit initiatique de l’humain face à ses pouvoirs et son costume, comme l’avait fait Nolan avec Batman Begins.


Mais il n’en sera rien ou presque, dans une suite, qui se voit diagnostiquer les mêmes symptômes qui gangrènent tous les films de super héros actuels : ce défaut d’être interchangeable et de n’être qu’une continuité cinématographique, une panoplie de personnage qui ne sait pas sur quel pied danser entre film spectacle ou introduction caractéristique (Wonder Woman : ok Gal Gadot est se damner mais son écriture ressemble trait pour trait à celle de Catwoman dans The Dark Knight Rises ), une passerelle sans âmes dans une approche économique et marketing propre aux séries. Dès les premières minutes, le flou règne, le manque de prise réelle de risque saute aux yeux. Ce début de film nous insère directement dans les tourments de Batman, et surtout de Bruce Wayne, où l’on revoit la mort de ses parents. Et oui, encore une fois, on a le droit au trauma des chauve-souris. Mais qui ne sait pas que les parents de Bruce Wayne sont morts ? Qui, sérieusement ? Pourquoi nous rabâcher la chose ? Certes, la mère, le prénom de Martha aura son importance dans le combat entre les deux mastodontes. FACEPALM. A croire, qu’on se croirait dans un opus de Fast and Furious, avec des références à la famille en vois-tu en voilà. Importance un peu gênante et extrêmement mal amenée, montrant par ce biais les carences abyssales de l’écriture.


Sauf que Zack Snyder, avec son imagerie esthétique chiadée à la The Watchmen et son iconisation imaginaire sur la rencontre entre les animaux de la nuit et Bruce, donne à penser qu’il en a sous le pied et que le réalisateur va aller là où on l’attend pas, mêlant rêve et réalité dans l’esprit même de son personnage. Et de ce fait, Batman vs Superman tire là, son charme un peu désuet mais parfois foudroyant à travers un Batman fébrile, voire complètement perdu par la situation. Mais aigri et névrosé, comme ce n’était pas le cas chez les Nolan. Ben Affleck n’est pas pour rien dans cette « réussite » du film, incarnant avec classe un Bruce Wayne tourmenté. Par cette occasion, il donnant naissance à des séquences qui font mouche (rappelant le faible mais curieux Sucker Punch), comme ce cauchemar post apocalyptique, dans un monde clairsemé où l’armée se prosterne aux pieds de l’héros volant.


Tiens, Superman, il en est question aussi, car il faut bien en parler de lui. On est face à une suite de Man of Steel et Batman est sous le feu des projecteurs : il n’y a pas comme un problème dans la dynamique, dans la récitation narrative ? Et bien oui, Zack Snyder, à force de vouloir rendre son scénario au niveau de la mer, terre à terre, pour que l’humain soit le centre du débat, n’arrive pas à rendre son questionnement religieux ou mystique digne de son nom, ne surprend jamais dans sa psychanalyse de Clark Kent (il n’existe pas) et la mièvre Lois Lane. Et surtout, la fascination autour du kryptonien se crache d’elle-même, à cause de cette touche DC Comics, de ce sérieux noir et plombant. C’est un parti pris que je préfère à celui de Marvel, et ses vannes potaches, mais qui est à double tranchant. Car face à la bêtise un peu visible de ses protagonistes, ce sérieux n’est plus mature, mais ridicule. Faute à un Superman, lambda, presque enfantin dans son processus analytique, ne sachant pas comment se comporter, savoir où la ligne entre le mal et le bien peut être franchie ?


Mais soyons honnêtes, ce n’est pas vraiment étonnant de la part de Zack Snyder, qui a souvent su faire parler les images plutôt que ses récits ou ses personnages. De ce fait, Superman est parfois subliment mis en scène dans ses arrivées ou son aspect stellaire, dans une sorte de solitude lointaine qui l’éloigne d’un monde encore incompréhensible à ses yeux comme durant cette séquence magnifique d’explosion où il baisse les yeux pour la première fois, entouré d’une civilisation en flammes. C’est bien faible, creux, pour un long métrage, soigné d’un point de vue visuel, qui approche les 2h30 avec ses 30 dernières minutes pyrotechniques, étourdissantes voire impressionnantes mais presque nauséeuses tellement ça dégouline d’effets, causées par l’arrivée de Doomsday (le diable face au dieu Superman), enfanté par l’opportuniste et psychopathe Lex Luthor, campé par un Jesse Eisenberg dans un exercice de style ironique et biaisé, mais loin d’être vain dans l’aspect fantasque de son interprétation.


Dans cette perspective de faire vivre tout ce petit monde dans un univers confus entre Gotham et Metropolis (la démocratie, le rôle des gouvernements, et de la justice procédurale), Zack Snyder a beaucoup de mal à organiser sa pensée, à hiérarchiser son iconisation, à monter sa réflexion, à définir les contours de ses personnages :exemple type du personnage Doomsday, dont l’arrivée aurait pu être une concentration thématique de tous les troubles de Superman (culpabilité, déviance de la création d’un dieu ou d’un diable par l’humain) alors que le monstre n’est juste qu’un gros monstre qui veut tout pulvériser sur son passage et qui fait BOUM. Malheureusement, Batman vs Superman, est le film qu’on s’attendait de voir, celui que la bande annonce avait spoiler du début à la fin. Dommage.

Velvetman
5
Écrit par

Créée

le 24 mars 2016

Critique lue 2.7K fois

88 j'aime

9 commentaires

Velvetman

Écrit par

Critique lue 2.7K fois

88
9

D'autres avis sur Batman v Superman : L'Aube de la Justice

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

Qu'on se le dise, Man of Steel était une vraie purge. L'enfant gibbeux et perclus du blockbuster hollywoodien des années 2000 qui sacrifie l'inventivité, la narrativité et la verve épique sur l'autel...

le 25 mars 2016

116 j'aime

35

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21