Le peplum qui enfonce tous les autres.

J'étudie l'Antiquité. Je n'aime donc pas les péplums. Je ne prends jamais plaisir à les regarder, puisque je ne fais que chercher les erreurs. Je n'ai jamais un plaisir entier en visionnant "Gladiator", ou même "La chute de l'Empire romain", que j'aime pourtant bien.

Et pourtant, j'ai pris moin pied en regardant "Ben Hur". C'est assez inexplicable. J'ai pourtant relevé un certain nombre de c**neries :

- Pourquoi passer par la Mer Morte pour aller de Jérusalem à Tyr ? Le plan est joli, mais géographiquement absurde. De même que le suivant, avec de belles dunes de sable : il n'y a pas de désert à traverser pour aller vers la côte.

- Des Macédoniens qui font de la piraterie dans les années 19/20 ap. J.-C. ? Arrêtez la science-fiction. Pompée a tout pacifié en 67 av. J.-C. Après, il faut attendre le IIIe s. ap. J.-C. pour entendre parler de troubles en Méditerranée. En plus la Macédoine n'était pas une terre à pirate - la Cilicie, c'est autre chose.

- Un consul placé à la tête d'une flotte ? Sous le Haut Empire, les consuls sont des potiches qui ont pour seule tâche d'organiser des jeux et de donner leurs noms à l'année. La République est finie, les gars !

- Un tribun n'est pas un officier bien important, pourquoi donner l'impression que Messala est une huile ? + Ces tics du gars qui reçoit quelqu'un tout en se faisant masser sentent bon l'homme d'affaire californien, pas le vrai romain.

- Tibère porte un manteau en pourpre. Or cette couleur était réservée au seul empereur.

- La décoration du stade de Jérusalem est tout simplement grotesque, digne de Maciste. On est en 33 ap. J.-C. : par quelle miracle la romanisation aurait-elle pu aller aussi vite, au point de faire construire ces statues géantes et kitchissimes ? + Les tours de piste étaient comptés par des oeufs qu'on plaçait dans des trous, pas par des dauphins amovibles.

Bref, malgré tout ça, et malgré le contenu chrétien militant, sur lequel je ne m'attarderai pas trop, j'aime beaucoup ce film. Pourquoi ? C'est assez inexplicable.

- Malgré la longueur, je ne me suis pas ennuyé. Ce n'est pas un Cecil B. De Mille. Certaines scènes sont un peu étirées, mais c'est fait de manière cinématographique.

- Carlton Heston n'est pas un génie, mais il colle au rôle par toutes les pores. On peut bien sûr regretter que le héros qu'il incarne soit si lisse (même dans ses imperfections), mais il n'en demeure pas moins qu'il était vraiment l'homme du rôle. Rarement son regard a eu autant d'intensité, ses muscles cette espèce d'énergie féline. Et que dire de sa voix. Si j'étais une femme...

- D'accord, la reconstitution est parfois un peu lourde quand elle insiste sur le caractère figé des cérémonies romaines (c'est le côté hollywood qui ressort), mais beaucoup de décors sont excellents. Le couloir avec les javelots, lors de la scène des retrouvailles, la salle des rameurs, les escaliers de la prison où sont retenues la mère et la soeur, le stade évidemment... Tous ces endroits sont habités par une force brutale, sauvage, qui n'a rien de moderne. Il y a bien une altérité de l'Antiquité que Wyler saisit, par moment, derrière le vernis hollywoodien.

- De manière générale, il ya un bon équilibre entre ce qui est suggéré et ce qui est montré. Wyler n'a pas besoin de montrer des difformités monstrueuses pour faire ressentir l'horreur de la lèpre. De même le monde des galères est très bien rendu dans sa dureté. C'est un passage que j'ai vraiment beaucoup aimé.

- La musique est cool.

Bref, malgré mes efforts, je n'arrive pas à mettre complètement le doigt sur ce qui fait que j'ai envie d'aimer et d'épargner ce péplum, mais le fait est qu'il sort du lot, et de très loin.