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Un Tourneur qui n'est pas aux fraises

Sauf omission de ma part, "Berlin Express" constitue mon premier Jacques Tourneur. Au programme, une histoire d'espionnage et d'enlèvement d'un personnage-clé dans le cadre d’un processus de paix naissant au beau milieu d'une Allemagne post-Seconde Guerre Mondiale réduite en cendres. Le film revêt également un caractère documentaire à maintes reprises par l'usage d'une voix-off et d'images décrivant le contexte et les lieux, véritable spectacle de désolation chargé d'Histoire. Ce mélange des genres parait plutôt original et audacieux pour l'époque, à défaut d'être totalement maîtrisé. En effet, poser un contexte et fournir au spectateur un maximum d'informations en faisant appel à un narrateur finit par plomber le rythme du film. Par ailleurs, la progression de la partie thriller/enquête est parfois maladroite, malgré l'implémentation d'une sorte de huis clos en train. Heureusement, les à peine une heure trente de pellicule passent bien et le divertissement reste honnête.

Tourneur tourne dans une Allemagne tour à tour chaotique et dévastée à en donner le tournis au sein de laquelle l'occupation principale n'est pas vraiment le tourisme. "Berlin Express" est d'ailleurs le premier long métrage hollywoodien réalisé sur les ruines allemandes de Berlin et Francfort-sur-le-Main depuis la fin de la guerre. Bert Granet, le producteur, déclarera quelques années plus tard que la reconstitution d'un tel décor aurait été totalement impossible, et que l'équipe a donc pu profiter d'un plateau gratuit d'une valeur estimée à 65 milliards de dollars. A noter qu'à cette époque le matériel cinématographique était très dur à trouver sur place, et un certain Billy Wilder dut attendre que Tourneur parachève son film pour pouvoir entamer "La scandaleuse de Berlin". Outre l'équipement utilisé, les deux films possèdent comme autre point commun Friedrich Hollaender, le compositeur.

Question distribution, Robert Ryan, Charles Korvin, et surtout un Paul Lukas convaincant en Dr Bernhardt (pour ne citer que quelques noms) forment une partie des têtes d'affiche. Merle Oberon profite de sa présence et de son rôle de Lucienne pour faire coucou à son mari de l'époque, le directeur de la photographie Lucien Ballard (qui officiera notamment sur "La horde sauvage" de Peckinpah une vingtaine d'années plus tard et aussi sur "Guet-apens" encore un peu après). Concernant "Berlin Express", quelques séquences sont particulièrement réussies et sortent du lot visuellement, mais plutôt que de vous les dévoiler, je vous laisse le plaisir de les découvrir.

Il est sans doute un peu tôt pour m'avancer, mais le sentiment qui prédomine après ma première expérience avec Jacques Tourneur, c'est que le meilleur reste à venir dans ma découverte de ce cinéaste franco-américain de talent.
Gothic
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le 20 févr. 2014

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