Le communiste démocrate
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le 8 oct. 2025
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Ah quelle était belle, l'époque où le PC était le premier parti d'Italie, que tous les bambins se promenaient en chantant l'Internationale avec un fanion rouge dans la main.
Esthétiquement, c'est sûr que ça claque. Enfin, dans la vraie vie ; le film n'est quant à lui qu'un énième biopic enrobé dans un mélange d'images d'archives, de voix off et de plans à l'épaule désincarnés, avec en supplément une musique qui va remuer toute la salade. Dernièrement, on avait eu un avant-goût avec le film sur Fanon (pas celui d'Abdenour Zahzah , celui de Jean-Claude Barny) de ce genre de tambouille, maintenant on nous sert la même recette avec des aliments différents. Pour ajouter au tout un peu de "sensibilité", en parallèle de la vie politique de Berlinguer, on suit sa vie de famille, qui n'apporte décidément rien au film tant elle ne dit rien ; les discussions sur le socialisme n'ont aucun intérêt puisqu'elles auraient pu être prononcées par n'importe quel hurluberlu de gauche. Bref. Par ailleurs, la scène où Berlinguer annonce à sa famille qu'il pourrait mourir est d'une platitude sans nom. Aucune puissance, aucune délicatesse, que dalle. Sa femme se contente de cloper en faisant la moue, pendant que les gosses s'inquiètent faiblement pour leur papounet. La caméra se balade comme si elle était sur un plateau télé. C'est ainsi pendant tout le film. En plus, personne ne va contredire la tactique de Berlinguer dans le fond, sauf au début : un communiste bulgare que Berlinguer s'empresse de taxer, en filigrane, de dogmatique jurassien. Jamais la fraude Berlinguer n'est démasquée. Au contraire.
Le bougre réussit à faire augmenter drastiquement le nombre d'adhérents (notez bien, adhérents et non militants) du PCI - et profite de l'occasion pour s'engouffrer dans l'opportunisme - voilà pourquoi personne ne peut lui donner tort. Inutile de dire que si un tel traitement aurait été appliqué à un véritable communiste, on aurait crié à la propagande et au culte de la personnalité.
En effet, Enrico Berlinguer était un des liquidateurs de la pensée révolutionnaire (marxiste-léniniste) qui coulaient dans les veines des organisations communistes d'après-guerre, avec ses homologues français et espagnols, bien entendu, au profit du dit "eurocommunisme", une tactique pitoyable et anti-marxiste qui prétendait que la construction européenne était un outil efficace pour la lutte communiste, et qu'on pouvait construire le socialisme tout en restant dans l'OTAN (oui oui, Berlinguer le dit dans le film d'ailleurs). L'histoire a prouvé et continue de prouver le contraire.
Pour le film, l'échec de Berlinguer et du PCI, c'est la faute aux gauchistes des Brigades Rouges, qui auraient sapé le "compromis historique". Dans la réalité, c'est à cause des opportunistes, qui ont abandonnés la classe ouvrière, aujourd'hui largement ralliée à l'extrême-droite.
Effectivement : 1991, le PCI pose son "dépôt de bilan" idéologique. Il en ira de même pour le PCF et le PCE, même si ces derniers n'oseront pas se dissoudre. Défendre la "démocratie" et la "liberté" (ces mots ne veulent rien dire du tout, soyons sérieux), ça a un prix.
L'histoire continue de broyer les insignifiants, les traîtres, les lâches et les ennemis de classe. L'histoire de l'art, elle, se contente d'oublier. Et c'est très vite qu'on oubliera ce film.
Reconnaissons toutefois l'absence d'une critique saillante et ultra anticommuniste qu'on aurait pu retrouver dans ce film partiellement soutenu par l'Union Européenne, cette dernière qui, il y a peu, a mis sur le même plan nazisme et communisme. Enfin, vous l'aurez compris, l'eurocommunisme de Berlinguer n'a rien de communiste !
Créée
le 17 oct. 2025
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