On en explique l’origine [de l'accumulation primitive du capital] en la racontant comme une anecdote du temps passé. Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, une élite laborieuse d’un côté, intelligente et avant tout économe, et de l’autre, une bande de canailles fainéantes, qui gaspillait sans compter les biens de cette élite. La légende religieuse de la chute théologique nous raconte, il est vrai, comment l’homme fut condamné à gagner son pain à la sueur de son front ; l’histoire du péché originel économique, en revanche, nous révèle pourquoi il est des gens qui n’en ont nul besoin. Passons !… Or il advint ainsi que les uns accumulèrent de la richesse et que les autres n’eurent en définitive rien d’autre à vendre que leur peau. Et c’est de ce péché originel que datent la pauvreté de la grande masse qui, en dépit de tout son travail, n’a toujours rien d’autre à vendre qu’elle-même, et la richesse de quelques-uns, qui croît continuellement, bien qu’ils aient depuis longtemps cessé de travailler. […] Chacun sait que dans l’histoire réelle le premier rôle est tenu par la conquête, l’asservissement, le crime et le pillage, en un mot, par la violence. Dans la suave économie politique, c’est l’idylle qui a toujours régné. Droit et « travail » furent de tout temps les uniques moyens d’enrichissement, exception faite chaque fois, naturellement, de « cette année ». En réalité, les méthodes de l’accumulation originelle sont tout ce que l’on voudra sauf idylliques. (Marx, 2003, p. 803 sq., cité chez Christ, J. (2018). La naissance de l’État-nation à partir de la dette. In B. Karsenti & D. Linhardt (éds.), État et société politique (1‑). Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales. https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.12531)
Le Dernier Face à Face, c'est le dernier entre une population lassée par la grande violence et les classes dominantes qui, justifiant leur grande violence par des discours bien écrits, se retrouvent confrontées à leurs démons.
Tourné après Colorado, film éminemment politique et critique de la conquête de l'Ouest capitaliste, Sergio Sollima poursuit sa "triologie" avec Tomás Milián sur les fondements de la société étasunienne.
Au début du film, un professeur d'histoire, interprété par Gian Maria Volontè, prêche la bonne conduite, l'étude et le sens du devoir à ses élèves. Peu après, ses sentiments le poussent à porter assistance à Beauregard, un bandit des plus cruels.
S'ils restent très différents au cours de leurs premiers échange, le professeur apprend progressivement à devenir aussi cruel que Beauregard, voire, à un moment donné, à le dépasser dans ce domaine. Le maître redevenu élève, puis redevenu maître à son tour, mais dans un tout autre domaine - quoique - celui de la cruauté.
Le professeur comprend très vite que dans l'Ouest capitaliste, la violence et la cruauté sont institutionnelles : elle assoiffe Beauregard, elle exploite des esclaves, elle tue sans sommations, etc. C'est ainsi qu'il fait le lien avec les théories capitalistes libérales qu'il a enseigné à l'école, qui professent que toute l'histoire doit reposer sur la violence et l'épanouissement individualiste, à la guerre de tous contre tous, du loup contre le loup, etc. et que, de la sorte, il ne lui reste que l'adaptation. On le comprend quand il dit qu'il est conscient de ce qu'il fait.
C'est en ce sens qu'il devient plus violent encore que Beauregard, lui qui n'agit qu'en bête, instinctivement, qui ne calcule pas ses coûts ; et c'est d'ailleurs cette innocence qui le sauvera, puisqu'elle va l'empêcher de tuer un enfant, et le faire tuer le professeur - le retour du bâton pour ce dernier.
Certes, la violence de masse a un rôle historique non négligeable ; mais c'est la violence de masse augmentée du coeur et de la raison qui obtient toujours le dernier mot.