En voyant le portrait de cette femme, Margaret Keane, dépossédée de son talent par son mari, je ne peux pas m'empêcher d'y voir un portrait en creux de Tim Burton. Tout comme cette femme, il est un artiste peu bavard et discret, dont le marketing autour de son œuvre l'a dépassé, et parait condamné à toujours travailler dans son style unique. Pour Mme Keane, il s'agit avant de portrait de jeunes filles aux yeux immenses.
Tout le film repose sur la supercherie, celle de Walter Keane qui passer l’œuvre de son épouse comme la sienne, alors que bien des soupçons pèsent sur son propre talent, lui qui répète à l'envi qu'il a été aux Beaux-Arts.
Après les blockbusters plus gros les uns des autres, ça fait plaisir de revoir Burton à quelque chose de plus simple, sans fioritures, où même sa patte ne se voit pas forcément au premier abord. Il y a tout d'abord une excellente Amy Adams, qui interprète Margaret Keane, mais dont le rôle est plus ambigu qu'on peut le croire, car le fait qu'elle ne dénonce pas au premier abord les méfaits de son mari la rend tout autant complice que coupable. Et nous avons en face un très mauvais Christopher Waltz, menton en avant, qui baragouine plus qu'il ne parle, et dont on se rend compte très vite que ses talents oratoires cachent en fait un être faible.
Personnellement, j'aurais peut-être plus aimé un portrait à charge, quoiqu'elle se voit très rapidement en la présence du critique d'art joué par Terrence Stamp, mais je trouve que Burton a peut-être été léger sur le talent des Keane, artistique ou oratoire.
Mais il y là dans le film une sobriété qui me plait bien, avec en cela une excellente bande originale de Danny Elfman.
Le clou du spectacle étant la scène de procès où Margaret Keane va devoir prouver face à l'auditoire et à son ex-mari qu'elle est bien l'auteur de ses toiles, avec une démonstration en direct.
Je ne sais pas si Big Eyes est le signe d'un changement chez Tim Burton, mais il est le signe d'un auteur conscient de sa propre œuvre, ce qui est déjà bien en soi.