Je n'avais pas du tout aimé 21 grammes, me dissuadant ainsi de voir les autres réalisations d'Inarritu, mais un auteur comme lui qui fait un film de super-héros avec l'ancien Batman Michael Keaton, là, ça m'intriguait grandement.

Le fait qu'ils aient pu avoir Keaton pour faire ce film est génial, je me demande d'ailleurs si Birdman aurait eu tellement de sens sans lui. Dès les bande-annonce, les échos à la vraie carrière de Michael Keaton en tant que Batman était clairs, mais je ne m'imaginais pas avant de voir le film à quel point le rôle avait été écrit pour lui.
L'acteur incarne le personnage d'un has-been, autrefois star du blockbuster "Birdman", qui cherche à retrouver de l'intégrité en montant une pièce de théâtre.
Il s'estime être le premier à avoir tracé la voie de tous ces super-héros, râlant contre Iron man et autres Avengers. J'apprécie le fait que le film prenne en compte des films réels, et les acteurs qui jouent dedans, pour tenir son propos. D'ailleurs, les références aux films DC et Marvel sont nombreuses, pas juste dans le texte mais aussi le casting, avec Edward Norton et Emma Stone.
Le rapport avec les blockbusters de super-héros s’arrête là, tant Birdman va bien plus loin, que ce soit concernant le fond ou la forme.
Il y a des putain de répliques, et un putain de propos. Birdman parle avant tout d’un sexagénaire qui essaye de retrouver sa place, pas juste dans le show-business, mais dans le monde. Le film pose un regard sévère sur Keaton, faisant écho à ce qu’on imagine être sa propre vie maintenant, mais on ne s’attaque pas à lui en particulier, il n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce problème purement humain qu’est ce désir de se sentir utile, de ne pas être oublié. Ce qui est d’autant plus dur pour quelqu’un ayant connu, au cinéma, une gloire immense, bien que de courte durée.
Keaton, ou plutôt son personnage de Riggan, est tiraillé entre sa voix intérieure, incarnée par Birdman, personnification de son ego qui veut le convaincre qu’il est fait pour s’élever au-dessus des autres, et la réalisation qu’il n’est pas moins insignifiant que n’importe qui d’autre.
La vie de Keaton est référencée dans le film, dans lequel le personnage de Riggan voit aussi en sa pièce des points communs avec sa propre vie. Une mise en abyme dans une mise en abyme, où ce que les personnages vivent et ce qu’ils jouent se confondent.
Le film se permet aussi une diatribe contre les critiques, un discours enragé, et pourtant tellement pertinent.

L’histoire est déjà plutôt intéressante, mais ce qui la rend captivante, c’est la mise en scène.
C’est une réflexion que je me fais rarement, mais en voyant Birdman, je me suis dit dès les premières minutes que le montage son et le mixage étaient extraordinaires. Que ce soit en raison de la collaboration entre le son et le montage, ou juste la qualité des bruitages, ou de l’enregistrement d’une voix (ce timbre particulier de Birdman, ce murmure amplifié, comme une voix dans notre tête). Et dans le ciné, on aurait cru que certains bruitages provenaient de la salle.
Pour Birdman, Inarritu se met aussi à la mode du plan-séquence ; hormis le lien avec le monde du théâtre, je vois ça surtout comme un gimmick, mais étant donné la qualité de ce plan-séquence (truqué, certes) qui fait pratiquement 2h, je ne vais cracher dessus. Il y a des ellipses sans changement de plan, simplement du temps qui passe entre le début et la fin d’un mouvement de caméra, et étonnamment, ça fonctionne, le spectateur comprend de suite qu’il y a eu une ellipse. (quand je repense à Closer, où je ne comprenais que 5mn plus tard qu’une longue période était censée s’être écoulée entre deux séquences…)
Malgré le procédé, le film reste incroyablement rythmé, il n’y a aucun temps mort, les acteurs restant dynamiques, s’échangeant leurs répliques avec une efficacité qui évoque une machine bien huilée. Il y a des films où des montages de dialogues sont moins bien rythmés que là, où il ne s’agit "que" de captation.
Et forcément, avec un rythme aussi maîtrisé, les touches d’humour sont très efficaces.

Au départ, je pensais que Keaton reviendrait à son identité de Birdman, je pensais aussi que le film mêlerait réel et fantastique. En fait, non. Birdman n’est pas à proprement parler un film de super-héros en réalité ; pourtant, j’aimerais bien pouvoir dire qu’il s’agit d’un film de super-héros avec un fond. Et de la forme. Moi qui commence à en avoir marre de ces adaptations Marvel sans âme…
L’ironie, ce serait qu’Hollywood propose à Inarritu un sale gros blockbuster, comme ils l’ont fait avec James Gunn après Super…
En revanche, je souhaite à Michael Keaton de revenir dans d’autres rôles de premier plan, car il prouve avec Birdman quel acteur incroyable il peut être.

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le 7 mars 2015

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Wykydtron IV

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