Il y a matière à s’extasier avec ce « Birdman ». A commencer par l’indéniable qualité des effets stylisés de la mise en scène, qui relèvent de la gageure et touche à l’exceptionnel. Cet ensemble de scènes simulant un très long plan séquence, cette ambiance intentionnellement poussiéreuse et poisseuse toute en théâtralité, ombrée ou criarde, cette méticuleuse direction d’acteurs… tout pousse à l’étonnement, à l’exaltation. Michael Keaton (ex Batman dans la vie) qui joue un ex héros (le fameux « Bridman ») à fleur de nerfs, fragile, perdu, se transforme sous nos yeux en acteur à l’état brut, criant de vérité trop sans doute, qu’il en deviendrait presque factice, ne dépassant jamais l’unique cadre dans lequel il évolue l’arrogance. A l’image de ce que l’on ressent d’ailleurs de ce film. Inarritu cerne bien l’éphémère, qui fait qu’une carrière puisse s’étioler, éteignant un à un les projecteurs sur celui qui fut jadis une star, éphémère également la vie, qui ne pardonne pas, et telle une comète passe à grande vitesse jusqu’à ce que se noircisse à nouveau le ciel… Mais Inarritu n’est pas philosophe, il est acerbe. Il écorne impitoyablement un système hollywoodien dans lequel il ne se retrouve pas, tout autant que la médiocrité qu’il abhorre, sans une once de mansuétude ou de compassion, mettant la prouesse technique et son incroyable talent au service d’un égocentrisme mal dissimulé. On sort du film impressionné (avouons le c’est techniquement grandiose), mal à l’aise (aucune empathie pour les personnages dont on ne regrette même le sort qui leur est réservé) et énervé (par le côté factice et grandiloquent de l’ensemble). Il faut remonter à Orson Welles, et son fameux « Citizen Kane » pour retrouver pareille agitation. Mais à l’inverse de Welles (ce qui fait de son film un chef d’œuvre), Inarritu désincarne totalement son récit et son héros et les vautre dans le mépris le plus complet. Le théâtre a besoin d’une scène, d’une trame et d’une âme pour exister, ici on ne se promène que dans les bas fonds des coulisses, véritable champs de méduses dont la première victime est sans doute le spectateur.
Fritz_Langueur
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le 2 mars 2015

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