Birdman est un film passionnant. Pour tout ce qu'il représente, pour tout ce qu'il entreprend, pour son propos et ses différents niveaux de lecture.

Je dois avouer que j'ai eu du mal à rentrer totalement dans le film. Les quarante premières minutes, j'étais tellement subjugué par l'artifice du faux plan séquence que j'en oubliais presque son histoire. J'avais peur que le film ne tienne finalement que sur sa mise en scène et se repose sur sa technique, j'avais peur d'une coquille vide, très belle, avec finalement peu de choses à l'intérieur. Et j'avais tord. Car une fois la prouesse technique digérée, c'est ce que le film dénonce qui nous touche. Je conçois d'ailleurs que les propos du film ne puissent pas plaire à tout le monde, c'est quand même assez direct, terre à terre, mais finalement ça marche.

Je ne vois pas vraiment une critique des blockbusters ou des films de super-héros, je vois plus une critique de ce que le public en fait et sa manière de le consommer, je vois surtout une critique de l'acteur, en constante recherche d'admiration, de reconnaissance, et j'y vois là, parfaitement représentée, la névrose de l'artiste, dans le doute constant et oppressant. C'est à ce moment là que je me suis rendu compte que la mise en scène n'était pas là juste pour impressionner le public et l'académie, mais qu'elle servait et représentait le film en profondeur.

En effet, comme le personnage de Riggan, on a l'impression que ça ne s'arrête jamais, malgré les ellipses, la temporalité semble inchangée, et les rares moments de coupure n'interviennent que lorsque Riggan est sorti de l'emprise de sa pièce de théâtre. Le film est donc presque un huis-clos, et la mise en scène le souligne de la meilleure des manières. De plus, n'est-ce pas le propre de l'acteur de théâtre de jouer continuellement, sans coupe, sans possibilité de retour en arrière ?

Une fois cette considération passée, impossible de ne pas saluer le jeu des acteurs, qui effectuent là une performance admirable, devant non seulement réciter des tirades entières correspondant une quinzaine de pages de texte tout en respectant les mouvements de caméra et les différents déplacement, c'est du grand art. Cependant, j'aurai aimé une plus grande profondeur psychologique dans les personnages secondaires qui apparaissent finalement comme des étiquettes plus que comme des créations originales. Intention créatrice ou faiblesse d'écriture ? Pour le coup je n'ai pas la réponse.

Enfin, la BO ajoute sa touche d'originalité qui propulse le film au sein des oeuvre majeures de la décennie, composée quasiment entièrement de morceaux de batterie brouillons, non-rythmés mais tellement efficaces.

En clair, Birdman ne plaira pas à tout le monde, malgré l'impressionnante qualité de sa mise en scène. Son propos peut paraître simple et déjà vu, mais la façon dont il le traite suffit à justifier ses choix. Malgré quelques baisses de rythme en milieu de film, la deuxième partie est tout bonnement folle, et fait de ce film l'un des meilleurs de l'année et de la décennie. Il faut voir ce film, si vous cherchez autre chose du cinéma, si vous voulez vivre une expérience de mise en scène, c'est une oeuvre non pas parfaite, mais importante.
Audric  Milesi

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