Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
Je ne comprends pas ceux qui disent que ce film est tout sauf une proposition de cinéma.
On peut l'accuser de tricherie certes, le film n'est pas un réel et seul long plan-séquence. La Corde d'Hitchcock non plus, ça ne l'a pas empêché d'être un immense chef d'oeuvre. Et il cachait encore plus ses bricoles, le bougre. Et puis bon, le cinéma, c'est, dans sa globalité, en faisant de gros raccourcis, l'art de tricher, l'art de créer une illusion.
Et moi, même si le travail de mise en scène que je vois est illusoire, je m'en moque, car il n'empêche que c'est vraiment habile et virtuose. Une plongée intimiste et immersive dans un cadre chaotique et schizophrène, qui rappelle le nouveau tournant de Cronenberg, en plus incisif encore, et le film, par moments, m'a pas mal fait évoquer le troublant et fascinant Cosmopolis.
Mouvements effrénés dans la recherche d'espace, en toute urgence, du décor étouffant aux grandes bouffées d'air extérieures, le film regorge d'énergie. Tout comme les acteurs qui participent à cette course (contre quoi au final d'ailleurs ? le chaos ?), du génial Michael Keaton dans rôle taillé pour mesure, en passant par Norton, Watts, Stone, au plus que sympathique Zack Galifianakis.
Si le fond est très simpliste, il reste sacrément efficace, de la machine dévorante du spectacle et d'Hollywood à la critique de la critique (qui au final est caricaturale mais très juste, jusque dans sa finalité avec l'hypocrisie ambiante quand le tragique survient), parfumé d'un cynisme que d'aucuns peuvent considérer prétentieux et antipathique, moi je rentre dedans, c'est méchant, peut-être facile, mais jouissif et pertinent. Et l'envolée délirante suite à une crise de schizophrénie et d'orgueil du protagoniste est un des morceaux du cinéma les plus plaisants qu'il m'ait été donné de voir depuis un bout de temps.
Guyness l'a dit si bien, le film est facile, tant à détester qu'à adorer. Je me range dans la deuxième catégorie.
Ça en fera certainement hurler certains, mais c'est le plus beau film sur le déclin du Cinéma (même si il évolue dans le cadre du théâtre) depuis Holy Motors.