L'homme a toujours rêvé de voler, et contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, Red Bull ne donne pas des ailes. Pourtant, il nous en pousse quand on touche notre destin du bout des doigts. Riggan n'a jamais été aussi près de se les brûler, tel Icare s'approchant trop près du soleil.
Birdman, c'est l'histoire de Riggan, ancien star du cinéma qui ne triomphe plus que par ses frasques de dépravé, et qui ne fait du bruit qu'en criant dans les couloirs. Birdman, c'est l'histoire d'un mec aussi paumé que brillant, mais qui ne fait plus la balance entre les planches et la terre ferme. Birdman, c'est l'histoire d'un schizophrène, tout simplement.
Par où commencer dans ce film qui a tant à dire ?
Peut-être par la technique qui est encore plus sublime que les acteurs. Birdman est une succession de plans-séquences étendus à l'infini, arpentant les couloirs du théâtre et les rues de Broadway. Alejandro Gonzalez Inarritu est fort dans son approche filmique puisqu'il parvient à rendre ses plans impeccables, sans trop de lumière ni pas assez, une exposition juste comme il faut, et un sens du hors-champ très malin. Et quiconque qui s'est essayé au moins une fois au plan-séquence sait s'il est compliqué d'être aussi juste. Nous avions honoré Orson Wells pour la séquence d'ouverture de "La soif du mal", nous avions tiré notre chapeau à Alfonso Cuaron pour son immersion spatiale dans "Gravity", nous ne pouvons que féliciter à une hauteur au moins égale son compatriote Inarritu. Il faut croire que le Mexique, c'est magique !
Mais là où le tout juste Oscarisé est encore plus impressionnant, c'est qu'en y prêtant pas attention, nous pourrions croire que son oeuvre n'est en fait qu'un seul et même plan ! Ce n'est pas le cas bien sûr, il se joue parfois des ombres et du léger fondu en noir pour s'en sortir. Mais d'autres transitions sont tout bonnement ahurissantes, preuve que rien n'est laissé au hasard.
Il n'y a pas de hasard non plus pour les acteurs, bien qu'il y en ait pour leurs personnages.
Nous ne reviendrons pas sur la performance de Michael Keaton, véritable rédemption annoncé partout comme un coup de rétro sur sa propre carrière. Penchons-nous plutôt sur les autres rôles, trois rôles précisément.
Rôle numéro 1 : Edward Norton en Mike Shiner. Il n'est pas si loin de Fight Club en fait, mais de l'autre côté Si il y avait comparaison à faire, Edward Norton serait un Brad Pitt tandis que Michael Keaton serait un Edward Norton, vous suivez? Normal, délire de schizo. Toujours est-il que Norton fait toujours autant plaisir à l'écran.
Rôle numéro 2 : Emma Stone en Sam Thompson. Elle est la fille de Riggan, et croyez-moi ou non, elle comme Naomi Watts, j'ai mis un moment à les reconnaître ! Non pas parce qu'elles sont méconnaissables, mais plutôt parce qu'elles arrivent à se faire oublier au profit du scénario. C'est ainsi qu'Emma Stone décroche l'un des meilleurs rôles de sa jeune carrière.
Rôle numéro 3 : Zach Galifianakis en Jake. La BIG SURPRISE du film ! Le trublion des Very Bad Trip est calme, posé, modulable, à la fois mené et meneur, bref un acteur qui s'est révélé une nouvelle fois. Il ne serait pas surprenant qu'on lui confie des premiers rôles dramatiques à l'avenir.
Il y aurait tant à dire encore sur Birdman qui mérite amplement son statut de multiple Oscarisé. Inarritu s'est surement bien amusé à écrire et tourner ce film, tant mieux parce que le spectateur prend son pied à observer le travail fini. Un film qu'on défendra bec et ongles, je vous le promets.