Birdman par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le grand grand retour en haut de l'affiche de Riggan Thomson est annoncé à l'occasion d'une pièce de théâtre dont il est metteur en scène et acteur. Sa renommée il la doit à son interprétation de "Birdman", un super-héros. Depuis le temps a passé et le personnage qu'il doit interpréter prochainement est bien loin de celui de "Birdman". De plus à quelques temps de la générale rien ne se présente comme souhaité. L'acteur principal est victime d'un contre-temps, il convient de le remplacer au plus vite. La solution est trouvée avec Mike Shiner, un jeune comédien qui semble pouvoir être l'homme providentiel. Malheureusement le nouvel arrivant pose des soucis à Riggan Thomson qui ne parvient pas à gérer la personnalité. Le stress va croissant, les propos assassins fusent entre les deux hommes et l'ancien "Birdman" revient sur son passé et s'interroge de plus en plus sur sa capacité à conquérir le public comme par le passé. De plus les soucis personnels s'accumulent se mêlant à ceux de la gestion des comédiens. La première devient très compromise.


Il est difficile pour un acteur de se cantonner dans un personnage bien précis, surtout lorsque celui-ci est un super-héros séducteur. "Birdman", le justicier qui vole au secours des opprimés n'est plus qu'un souvenir. L'acteur a vieilli, il redoute son passé, il redoute la réaction d'un public qui ne pourra peut-être pas s'empêcher de le comparer à ce qu'il fut. Il vit d'autant plus mal cette situation qu'il se trouve confronté à l'arrogance et au don de séducteur de Mike Shiner qui ne manque pas de talent. En parallèle la voix du super-héros hante le vieux comédien qui ne peut se détacher de la trace indélébile de son passé. L'ensemble de la troupe se ressent de cette tension tournant parfois à la gabegie. Les représentations précédant la générale sont très tendues voir catastrophiques. Peut-on être et avoir été en toute sérénité? Apparemment cela semble compliqué à supporter lorsque la célébrité devient aléatoire et qu'il faut être un "autre homme" par la force des choses...


C'est un sujet très délicat que traite ici avec beaucoup de tact et de sensibilité Alejandro González Inárritu. Il met en lumière cette difficulté de vieillir, prisonnier d'un passé glorieux. Il y a différentes manières de l'appréhender et le réalisateur a choisi la voie de cette douleur tenace d'être diminué, dépassé et englouti par un monde dont on a lâché prise, dans un monde où l'on pense ne plus avoir sa place. L'artiste a son orgueil. Bien entendu on remarque l'allusion à "Batman" et à Tim Burton dans cette œuvre dramatique traitée sous le style d'une comédie un peu cynique.
L'interprétation se montre à la hauteur de l'événement grâce surtout à un Michael Keaton aussi surprenant qu'émouvant dans ce personnage de Riggan penché sur ce passé qui le tenaille et prisonnier de cette voix de "Birdman" qui lui rappelle sans cesse ce qu'il ne sera plus. Edward Norton est excellent dans le rôle de Mike dont la personnalité incontrôlable rappelle peut-être au vieil acteur ce qu'il fut au temps de sa gloire. A remarquer également les belles prestations de Zach Galifianakis, de Emma Stone, de Naomi Watts et de Andrea Riseborough.


Alejandro González Inárritu nous offre une œuvre magnifique, captivante de bout en bout et pleine de sensibilité sur un thème qui fut déjà abordé au cinéma souvent avec bonheur. De plus ce film réserve un final absolument surprenant dont il convient d'en méditer le sens.

Grard-Rocher
8
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le 9 avr. 2016

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