Birds of Prey (2020) est un film de super-héros féministe de la vague post #MeToo complètement assumé, mettant en scène beaucoup de personnages féminins forts, ainsi qu'écrit, réalisé et principalement produit par des femmes. Contrairement à ses prédécesseurs plus policés (Wonder Woman, 2017, ou Captain Marvel, 2019), il se caractérise donc par une approche beaucoup plus frontale de cette thématique. Cela aurait pu être intéressant... si le film avait été un tant soit peu subtil.


Sur la forme, la réalisation de la débutante relative Cathy Yan (c’est son second long métrage et son premier blockbuster) et de manière générale la direction artistique du film est raccord avec Suicide Squad (2016) : esthétique néon, présence récurrente de texte à l’écran dans des polices décalées, chanson pop/rock iconiques, etc… Ça faisait probablement partie du cahier des charges, mais, comme dans Suicide Squad, je trouve ça plutôt vulgaire. Comme le montage non-linéaire ou les multiples escapades de Margot Robbie par delà le 4ème mur, qui n’apportent rien et qui me font me dire que Deadpool (2016) est une anomalie qu’il faut arrêter d’espérer reproduire.


Sur le fond, la vibe féministe est aussi subtile qu’un discours de Trump. Jusque dans le sous-titre : « the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn », ajouté pour ceux qui n’auraient pas compris (la traduction française est plus neutre). Tous les personnages féminins sont des gentilles dont la vie a été foutue en l’air par des hommes et tous les personnages masculins sont des connards. Et les premières vont prendre leur revanche sur les seconds, et en particulier Sionis (Erwan McGregor, toujours impeccable mais qui l’espace de quelques minutes se sent obligé de mettre un masque noir parce qu’encore une fois, ça devait être dans le cahier des charges). Honnêtement, ça ne va pas vraiment plus loin que ça.


Et c’est dommage, car Harley Quinn est un personnage fondamentalement intéressant et Margot Robbie une bonne actrice. Sauf qu’à part un ou deux moments rapidement évacués (le rapprochement avec la gamine), le personnage ne va jamais au delà de son côté timbré. Rien que dans l’épisode Harley and Ivy de la géniale série animée Batman de 1992, auquel le concept du film me fait un peu penser, Harley était beaucoup plus profonde et tragique.


Finalement, je pense que le seul attrait du film, en dehors de quelques répliques bien senties et de l'occasionnelle scène cool, réside dans sa valeur cathartique et le fantasme qu’Harley Quinn représente. C’est la nana libérée de toutes les normes de la société, qui fait ce qu’elle veut quand elle veut sans jamais se soucier des conséquences, que ce soit envoyer tout le monde violemment chier, voler dans les magasins, ou même se gaver de junk food sans prendre un gramme. Manque de pot, ça ne résonne pas spécialement chez moi. Et honnêtement, je suis persuadé que ce fantasme est également lié à son physique avantageux (on remplacerait Margot Robbie par une nana laide et en surpoids, je pense que les gens n’auraient pas le même ressenti). Une limite implicite du progressisme hollywoodien : on peut être indépendante, mais mieux vaut être bien gaulée, en somme.


Bref, sans être l’infâme étron qu’était Suicide Squad, ce second film sur Harley Quinn ne m’aura pas convaincu : trop vulgaire dans sa forme, trop grossier sur le fond. Avec une démarche finalement assez proche, malgré un style différent, je recommanderais plutôt la très bonne surprise Invisible Man (2020).

Bastral
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le 5 juil. 2020

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