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Bandersnatch commence par une sorte d'introduction que l'on pourrait prendre pour faisant partie de l'épisode, et invitant on ne sait qui à utiliser son clavier et sa souris pour interagir, avant de réaliser qu'il s'agit de nous.


Se prêtant au jeu, on découvre une sorte de jeu vidéo filmique, aux choix calmement espacés, et dont la thématique est justement celle de la création d'un jeu vidéo par un jeune homme aux traits introvertis. La mise en abîme est rapidement palpable.


S'en suit une histoire intéressante, bourrée de clichés des années 80 très appréciables, qui vont du décors superbement typé, aux musiques que l'on peut pousser le personnage à écouter, et les choix s'orientent scénaristiquement vers la création du jeu lui-même. En guise de mise en abîme suprême, notre présence finit par être communiquée au personnage, à un moment de tension schizophrénique, amenant le spectateur que nous sommes à un état d'excitation insondable, quoi que nécessairement entravé par notre conscience que le personnage que nous manipulons n'a aucun libre arbitre. Non pas parce que nous le dirigeons, mais parce qu'il n'est en aucun cas une intelligence, pas même artificielle. C'est pourtant ce qui peut nous traverser l'esprit, à une époque (2019) où l'IA progresse et où les grands groupes (dont pourrait faire partie Netflix) s'emparent de cette technologie naissante, et le doute nous traverse un instant.


La trame scénaristique, divisée telle une mécanique quantique tissant des réalités potentiellement parallèles, mais animée par une volonté de voir le personnage réussir, est rythmée par les échecs, les retours en arrière, et les essais, qui n'ont bien sûr aucun chemin linéaire et sont à peine discernables logiquement. L'histoire nous laisse quand même des indices, au travers de symboles disséminés, nous invitant à considérer l'évolution des choix sous un aspect rationnel. Mais à nouveau, la complexité des impasses se succédant et conjuguée à la difficulté de mémoriser les décisions passées nous renvoie à une sorte d'amnésie poétisant le rêve, ou la demi-conscience, et nous pousse dans nos retranchements. L'envie de réussir devient addictive, en même temps que démoralisante.


Après trois heures, j'ai réussi à atteindre ce que je pensais être la fin, puis avec un dernier effort, j'ai enfin réussi à l'atteindre, tout en ayant l'impression d'avoir pu louper quelques chemins secondaires menant probablement à mon avis à des impasses. Pour le vérifier, je suis allé consulter le grand oracle (Internet) et suis tombé sur un schéma récapitulant l'intégrité des choix et chemins possible, et ai pu constater qu'effectivement je n'étais passé à côté que d'une toute petite portion de chemin menant à un échec. J'étais donc satisfait.


Malgré la lassitude qui peut s'installer de voir pour la dixième fois les mêmes scènes (que nous pouvons heureusement abréger), et l'épuisement de l'intérêt visuel de consommer sans modération cette ôde réalistique aux années 80', ce projet m'a laissé un superbe goût de réussite, notamment grâce au casting efficace (Will Poulter, le programmeur blond et le passage dans son appartement) et au délire rétro tinté de série B horrifique (l'apparition du monstre). Le passage dans les locaux de l'entreprise de création de jeux-vidéo, et les machines d'époque, se boit comme du nectar pour tout amoureux de cette période fertile qui devait avoir une dimension de voyage dans le temps (et le faire de la vivre dans l'autre sens ajoute à l'impression de déjà-vu !). Aussi, l'imbrication de sens entre les éléments du jeu et la réalité à laquelle nous "jouons", bien qu'un peu légère à mon sens et qui aurait pu être beaucoup plus déployée, reste notable et amusante.


Je veux plus de projets comme celui-ci, et Netflix continue de m'impressionner pour la qualité de son contenu quoi qu'en disent les mauvaises langues.

Héraès
8
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le 6 juin 2019

Critique lue 107 fois

Héraès

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