J'ai vu ce documentaire en attendant un film sur Mohammed Ali qui n'est jamais venu. "When we were kings", il s'appelle, il est peut-être bien, je ne sais pas. A la place du film j'ai suivi trois heures de débats sur la situation politique de la République Démocratique du Congo, avouez, vous êtes jaloux de mes après-midis.


Ce film documentaire retrace surtout la déportation des peuples d'Afrique, leur vie dans les Etats-Unis d'Amérique, avant et après la guerre de sécession. Sous l'angle musical, pour montrer d'où viennent les musiques les plus diffusées maintenant. Je ne sais plus qui j'avais entendu parler de ça, il y a très longtemps déjà (peut-être André Manoukian, il est beaucoup plus vieux qu'il en a l'air), le blues était le croisement entre les chants entonnés par les esclaves dans les plantations et la musique traditionnelle irlandaise, des ballades rythmées, des mélodies entêtantes et amples.
Le documentaire ne parle pas du côté irlandais du blues, il met plutôt l'accent sur la vie de misère qui conduisait les gens à chanter ce qu'il chantait. C'est peut-être après, au cours du XXème siècle, que ce mélange a opéré, les folksingers comme Woodie Guthrie ou Pete Seeger, travaillant avec les bluesmen. La musique est toujours un métissage, de toute façon.


Bon, comme je n'ai aucune envie de faire un truc aussi long qu'André Manoukian, je dirais juste que l'analyse des évolutions entre musique et lutte pour les "droits civiques", nous on dirait "droits de l'homme", est plutôt bien faite. Ils arrivent à ne pas parler de Joan Baez, c'est pas mal. J'ai trouvé qu'ils ne parlaient pas assez de Malcolm X, d'où il venait, mais l'idée que les noirs d'Amérique en arrivant en France étaient surpris d'être aussi bien traités, et que ça les avait beaucoup inspiré dans leurs luttes postérieures de retour au pays, m'a bien plu. Quand on voit maintenant comment on traite les réfugiés africains !


Le documentaire commence à déconner dans sa dernière partie, mais sévère. Déjà il ne parle pas d'Angela Davis, je viens de tomber par hasard sur une interview d'elle donnée à Médiapart. Elle est encore vivante ! Mohammed Ali, très bien, ils en parlent, mais qu'a-t-il fait exactement pour les droits civiques ? Il a amélioré la visibilité ? Il a refusé le traitement médiatique qui lui était imposé ? Je ne comprends pas très bien qu'ils parlent autant de lui et pas du tout d'Angela Davis. Ni de Jesse Owens, je veux dire, Jesse Owens aux JO de Berlin vaut tous les débats. Sauf que c'était à Berlin, pas aux Etats-Unis.
La toute fin avec le rap, sombre dans les clichés. Je n'ai rien de spécial à en dire, ils montrent que le côté militant disparaît au profit du côté libéral et individualiste. Les monstres sacrés du blues, du jazz et du gospel cèdent leur place à des truands qui hurlent dans des micros en reprenant de la musique écrite par d'autres. Je veux dire, les gens qu'ils montrent, pour moi, ne sont pas les héritiers des grands mouvements de libération du XIXème et du XXème siècle. Il n'y a pas de rapport entre un millionnaire qui exulte la réussite individuelle et, je sais pas, Bessie Smith. Ou Billie Holliday.
Non, vraiment pas.


Billie Holliday j'en entends parler dans les chansons de Regina Spektor, Bessie Smith dans les chansons d'Emily Jane White. Si on mets de côté la couleur de la peau, l'injonction à faire du neuf musicalement parlant, ces femmes-là sont peut-être des héritières plus crédibles que les pontes actuels du hip-hop. Je ne sais pas.
Il faudrait analyser un peu l'idéologie et ne pas se contenter de la façade, comme le fait le documentaire, sur la fin.
Sinon, il est très bon, très sensible, je le conseille vigoureusement.

VincentJ
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Créée

le 5 juin 2017

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VincentJ

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