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Vision de Gortus sur l'île de Patmos, ou comment ce film lui apprit la condition humaine.

Détestant avoir affaire à des moutons culturels qui ne savent que bêler après une œuvre quelconque, je tend ici vers un idéal de rationalité dans ma critique. Critique qui n’en sera pas une. Car, comme vous avez pu le deviner à ma note, ce film est « l’un de ceux » pour moi. D’ailleurs, sachez que pour moi, le 10 est une denrée très rare, plus rare que l’uranium dans le Poitou-Charentes.

Ceci est ma deuxième critique, et après avoir affirmé mon déplaisir à l’égard d’un certain film, je me suis dit qu’il fallait reconstruire l’échelle des valeurs.

(Je précise que je parle de la version director’s cut de 1992. Certains esprits chagrins me rétorqueront qu’elle n’est pas définitive, je leur répondrais que c’est celle de Ridley Scott ! Que voulez vous de plus ?)

Donc, me voici avec une Révélation d’un ordre quasi biblique. Les références de la tradition judéo-chrétienne n’étant pas volées (mais ça, on en reparlera).

Entrons dans le vif du sujet. Je ne vais pas vous assommer d’informations sur le film trouvable n’importe où sur Wikipédia. Sachez juste qu’il est de Ridley Scott et est sortit en 1982.

Ah et il est adapté de Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Par Philip K. Dick lui-même. Ce qui n’est pas forcément gage de qualité (abattons les idoles).

Je précise évidemment que je spoile totalement le film et que je suis trop fainéant et ignorant pour mettre des balises spoil. Vous voila prévenu.

I : Personnages diverses et présentation du film (R.A.S. à ce stade).

Évoquons d’abord Rick Deckard. Humain brillamment interprété par Harrison Ford (dont c’était le premier rôle sombre), Deckard est un policer affilié aux Blade Runners du titre. Leur but est de traquer et « réformer » les androïdes rebelles à l’autorité humaine et potentiellement dangereux.

Avec un tel euphémisme, vous aurez compris qu’on se dirige vers un film policier noir. Noir, certe. Policier aussi. Mais ce n’est pas la principale utilité du film, qui est plutôt centrée sur la science-fiction. Précisons que les robots ne sont pas appelés autrement (ce serait un sacrilège) que replicant.

Deckard donc. Embauché pour une mission importante (parce que c’est évidemment le pro des pros), il doit retrouver et réformer 4 androïdes rebelles : Léon Kowalski, Zhora, Pris et Roy Baty, leur chef.

Précisons que nous sommes dans un monde post-apocalyptique, où ceux qui le peuvent quitte la Terre désolée, où les animaux ont disparus. En posséder un vrai, recréé par industrie génétique tient du miracle.

Si je mentionne ce fait, c’est car il occupe une place prépondérante dans le livre original. Ce dernier est entièrement centré sur des intrigues secondaires au problèmes, comme les ennuis conjugaux de Deckard, sa chèvre domestique ou JF Sébastien. Ce qui a mon avis est très dommage, puisqu’il perd de vue le problème principal, brillamment traité dans le film.

Le film donc commence par une banale enquête. A ce stade, rien ne laisse supposer la grandeur de ce qui va suivre.

Deckard se rend chez le créateur des robots, Eldon Tyrell pour avoir des infos (logique). Là, outre une chouette replicant, nous trouvons Rachel Tyrell. Nièce de Eldon, elle est présente lors que l’entretien pour que Deckard lui fasse passer le test de Voight-Kampff (VK). Test qui permet de découvrir les androïdes. Surprise, Rachel est une androïde, très bien réalisée. Un prototype révolutionnaire de robot Nexus-7, non destinés à la commercialisation. D’ailleurs Rachel elle même ignore sa condition. L’interrogation est donc posée très tôt : qu’est ce qui distingue fondamentalement un replicant d’un humain ? Et donc, qu’est ce qui fonde, définit la condition humaine ? Retenez bien cette question car c’est la base du film, son véritable sujet.

Je reparlerai plus tard de Rachel et sa relation avec Deckard, car c’est un gros enjeu du film aussi. Dans sa poursuite des replicants, Deckard, après avoir fouillé l’appartement de l’un d’eux, Léon Kowalski (grillé lors d’un VK ayant mal tourné, il blesse un blade runner et s’échappe), découvre l’adresse d’un club de strip-tease que fréquente l’une des replicant.

Deckard s’y rend. Il est découvert.

Contrairement à ce que l’on suppose à ce stade, et à ce que Léon nous avait habitués à voir, c’est un être terrifié qui accueille Deckard, s’enfuit et meurt abattue par Deckard en traversant plusieurs miroirs.

« Assassinat » est le mot auquel on pense pour la première fois. Surtout que, génie du montage oblige, nous venions de voir Roy et Léon torturer un pauvre savant pour obtenir un nom, et Pris manipuler un Sébastien pour se faire recueillir. Pour la première fois, le spectateur, autant que Deckard lui même, remettent en cause le bien fondé de l’action du personnage principal.

Pour la première fois, l’humanité potentielle d’une replicant qui fait son job (belly dancer dans un pub minable en l’occurrence) sans demander à personne, ni éviscérer qui que ce soit.

Les regards lancés à Deckard par les spectateurs révèlent ce que l’on pense : il est un meurtrier. Et son meurtre n’était même pas utile, ni justifiés autrement que par un ordre quelconque de sa hiérarchie. Abattre un individu sans sommation est un crime, mais si c’est un replicant c’est une bonne action : c’est la thèse initiale du film. N’est-elle pas remise en cause déjà ?

Ceci est la première bascule du film.

Car il y a en a une deuxième, que nous allons donc aborder maintenant.

La deuxième bascule en question est lorsque l’humanisation des replicant (pris ici comme une espèce entière) se poursuit de plus belle par la romance Deckard-Rachel.

Je passe sur le fait qu’initialement cette romance n’est pas consentie (Metoo n’étant pas le sujet du film), et que dans le livre Rachel a 15 ans (elle semble heureusement plus vieille dans le film).

Ici, Deckard se surprend à aimer (d’amour, cf. Blade Runner 2049 ou cf. la fin initiale du film, un gerbant happy end artificiel) un être qu’il a prouvé être synthétique.

Une fausse personne, que Deckard, au-delà de l’amour physique, se surprend lui même à aimer.

Comment aimer ce qui n’est qu’un animal ? La question de l’humanité des replicant s’impose d’elle même, encore.

II : Ultime combat, ambiance biblique et âme du robot.

C’est alors, qu’à lieu le face à face final entre Deckard et Roy Baty. Une immense page d’histoire fictionnelle est sur le point d’être écrite. Ce face à face est plus que cela, c’est le combat de deux conceptions. Le replicant, luttant pour ce qu’il veux être et l’humain luttant pour conserver son être. Le créateur et le conçu vont s’affronter dans une guerre presque fratricide (on en reparlera aussi).

Jusque là, la réflexion du film en est à ce stade : les humains sont peut être plus méchant que les replicant et inversement, les replicant plus gentils que les humains. Ce qui manque un peu de synthèse, de dépassement dialectique, de nuance.

En raisonnant cyniquement, on peut se dire que :

1. Rien d’étonnant à ce que Zhora veuille se sauver : se sachant en danger, son instinct de survie la commande. Même les animaux les moins évolués ont cette caractéristique.

2. L’humain anthropomorphise tout, prêtant à des animaux ou des objets inanimés des sentiments qu’il n’a évidemment pas : d’où l’« amour » (encore peu clair) de Deckard pour une Rachel somme toute inexpressive (il lui manque un truc). Il ne suffit pas de singer l’humain parfaitement et de croire que l’on en est un pour en être un.

Alors, qu’est ce qu’un humain selon l’opinion commune (reprise comme base pour le film) ?

1. Il possède un instinct (de survie par exemple) : mais ce critère seul fait juste de lui un animal

2. Il a une pensée, une raison : mais ce critère seul fait de lui un ordinateur, et les deux ensembles, des animaux pensants.

3. Il ressent des émotions : couplées au deux autres critères, elles rendent humain.

Zhora remplie les deux premiers. Avec Leon et Pris, on passe au troisième. Mais la force de Blade Runner est de nous présenter un personnage qui va au-delà de l’humain, alors même qu’il n’en est pas un. J’écrivais que le film n’était pas fini, qu’il avait un goût d’inachevé.

Voici donc la scène finale, l’ultime confrontation.

Cette scène finale, marquante et souvent commentée, n’est pas comprise pour ce qu’elle est : un sacrifice biblique de Roy, pardonnant à celui qui lui tout pris, pour faire le saut ultime de l’Homme, celui de la croyance irrationnelle en l’Amour d’un Dieu bienveillant. Car comment accepter sa mort, surtout aussi frustrante, lorsqu’on ne pense pas au moins un peu à Dieu et au Paradis ?

Au passage, on notera la colombe, purement métaphorique selon moi, représentant l’âme de Baty s’envolant au cieux dans un travelling peut être un peu niais. Symbole d’Esprit Saint aussi d’ailleurs (je vous avez bien dit qu’on reparlerai des éléments judéo-chrétien).

Baty épargne son bourreau (comme un certain crucifié) et accepte son injuste destin, contre lequel il est supposé se rebeller.

Tout humain l’aurait mauvaise, avec un tel destin. Baty nous a déjà prouvé qu’il brouillait les frontières de l’humain et du replicant, le film aurait pu s’arrêter là.

Mais ç’aurait été le sous-estimer.

Si nous analysons les ultima verba de Baty, le fameux « monologue des larmes dans la pluie » (mythique), nous voyons qu’il affirme sa supériorité sur l’Homme (« J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez imaginer… »), tout en acceptant son sort, la mort (« Il est temps de mourir »).

Un être supérieur qui accepte un sort propre à ses inférieurs, comme le Fils de Dieu crucifié parmi les criminels.

Je ne parle pas du fait que Baty est sensible à la beauté poétique de ce qu’il vit (les « navires en feu ») ou faisant même de subtiles références à la culture humaine, avec la porte de Tannhäuser (un opéra de Wagner).

Sa vie durant, Baty lutta pour l’amélioration de sa condition, et vaincre sa mortalité. Se rendant compte que c’était impossible, il accepta non seulement sa mort, mais aussi celle de son amour et de ses amis, en renonçant à tuer leur meurtrier.

Il prouve ainsi qu’il est humain, et qui plus est un incroyable humain.

Car le dernier critère d’un humain et qu’il peut tous les bouleverser : il peut suivre son instinct comme l’ignorer, agir ou non rationnellement. Un ordinateur n’agit que rationnellement, un animal qu’instinctivement, un humain mixe les deux, mais les meilleurs prennent une troisième voie.

Mélange de raison (acceptation d’un destin qu’on ne peut modifier) et d’irrationnel (Baty est serein, alors qu’il devrait être désespéré ou au moins triste).

Tant qu’on y est, on peut aussi penser que Rachel tente de se faire humaine en voulant ressentir de l’amour pour Deckard (ce qui explique qu’elle accepte d’être son amante alors qu’ils se connaissent depuis virtuellement 2 jours), et le fait qu’elle manipule ses scrupules à tuer un être vivant et pensant (juste après la traumatisante mort de Zhora). Parce que de base, Rachel devait être tuée par Deckard. Mais bon je m’éloigne.

L’humain ultime peut agir irrationnellement, par amour, par compassion, miséricorde. Autant de sentiment inconcevable par des animaux ou des machines.

Dans la mort, Baty gagna son humanité, et même plus, sa divinité.

III : De la résolution (par moi prophète de la vérité vraie véritable) d’un débat historique.

Ici, je vais clarifier quelque chose : pourquoi Baty épargne-t-il Deckard ?

Alors qu’il aurait toutes les raisons de le tuer, qu’il en a l’occasion à de multiples reprises, et qu’il ne répugne pas à la violence.

Pourtant, non seulement Baty n’exécute pas Deckard, mais en plus il le sauve d’une mort certaine.

Certains affirment que c’est pour avoir un témoin de sa mort, lui permettant de survivre à travers lui. Bullshit. C’est une contradiction avec le monologue final : Baty réalise (et accepte) dans le monologue final la disparition inéluctable de ses expériences, de ses souvenirs, de ce qu’il a vécu en tant qu’être. C’est donc un non-sens que dans le même temps, il veuille exister à travers Deckard.

Ce qui nous amène à une autre théorie : Baty sauve Deckard car il voit que c’est un replicant aussi.

Vieille théorie qui fait s’échauffer les fans du film depuis 40 ans.

Ces thèses ont pour moi, un problème : si Deckard est un replicant, quel intérêt a l’histoire ?

Au lieu de comparer les actes de deux extrémistes, humains et replicant, on voit des replicant qui s’entretuent sans états d’âmes. Quel intérêt ?

Le massacre réciproque d’humain n’a d’intérêt artistique que si on en analyse les mécanismes, pour les faire comprendre implicitement au public, les lui faire ressentir (à ce sujet, Apocalypse Now est un incontournable, que je critiquerai un jour).

Entre replicant, aucun intérêt : Deckard tue les autres parce qu’on le lui demande, il doute mais le fait quand même et c’est tout.

La morale du film n’est que partiellement suivie, d’où une portée considérablement diminuée du film, un gâchis monumental.

Et puis, comment Baty s’en rend-il compte si facilement et pas Deckard, ou alors pourquoi ne lui dit-il pas ?

Sans compter que le fait que Deckard soit un replicant n’empêche pas Baty de vouloir se venger.

Vous trouverez sans doute de pseudo-démonstration du statut de replicant de Deckard en cherchant sur Internet. Cependant, sachez que si Ridley Scott considère Deckard comme un replicant, cela veut dire que son film est forcément truffé de petits indices en ce sens (c’est le réalisateur, il n’est pas objectif). De l’autre côté, le scénariste du film et Harrison Ford sont persuadés du contraire. Donc bon.

IV : De la nature des grands films : comment les reconnaître (pour les nuls) et de la nature des chefs d’œuvres.

(Attention beaucoup de parlotte inutile dans cette section, digression monumentale. Si c’est juste la critique qui vous intéresse, sautez cette partie).

Un grand film, comme je considère Blade Runner l’être, est un film que l’on retient, d’abord.

C’est une expérience intense de cinéma, qui nous chamboule, nous marque, nous étonne.

Cependant, cela ne suffit pas. Avatar 2 fut pour moi une grande expérience cinématographique, mais certainement pas un chef d’œuvre.

J’appartiens à une catégorie d’esthète qui considère que l’être est supérieur au paraître. Traduction, dans un film, ce qui est dit est plus important que comment c’est dit (ou presque hein).

Tout ça pour dire que le message du film doit plus m’esbaudir que la réalisation par exemple, même si elle est un plus appréciable.

Ainsi, un bon film est une bonne expérience. Un très bon film est une expérience qui reste dans le temps. Un très bon film doit avoir un bon sujet (une grande question), un bon angle d’approche (questionner l’humanité par l’intermédiaire de robots est par le truc le plus original, mais ça fait le taf et Scott imposa Blade Runner comme la référence ultime en ce domaine) et proposez des éléments de réponse évidemment. Sinon cela ne sert à rien.

On peut donc dire qu’un très bon film a une bonne question (y’en a plein, prenez un sujet de philo un peu large et ça passe), avec un bon angle d’approche, ensuite un bon raisonnement, et des propositions de réponses intéressante.

En soi, les réponses ne sont pas si importantes, parce que souvent elles semblent des évidences.

Ce qui intéressant, c’est comment le film démontre la véracité de ces pseudo-évidence.

J’avais dit que la question de Blade Runner était (au sens large), comment se définit l’humain ? Et y’a t-il des humains autre qu’Homo Sapiens ? (Pour différencier l’humanité biologique de l’humanité philosophique).

Bonne question, large et ayant du potentiel. Pas vraiment originale, mais n’ayant pas de réponses, donc on peut s’éclater.

L’angle, je l’ai déjà évoqué.

Au fil du film, la réflexion se poursuit. Comme je le disais, Zhora illustre une chose, Pris et Léon autre chose, la réflexion progresse, et enfin Baty parachève le tout en réalisant le dépassement dialectique.

C’est à dire qu’après avoir résolu la question (la réponse était oui évidemment, mais ça on s’en doutait), on en fait la synthèse en la dépassant encore (comme la synthèse en philo).

Trouver la question n’a rien de dur, beaucoup de film en ont une bonne.

L’angle est déjà un poil plus dur, mais rien d’insurmontable non plus. En général, c’est là que se rend compte des gâchis. Un film avec une bonne question et un bon angle (situation + personnage intéressant, avec du potentiel), mais qui tire à côté, c’est très décevant.

Un très bon film nourrit intelligemment la réflexion sur cette/ces questions par son scénario, il propose une réflexion.

Un excellent film clôt le débat, avec une solution finale, qu’il démontre être la bonne.

Quand ce n’est pas le cas, c’est évidemment un ratage total. Cependant, vous le savez, dans ces délires philosophique, tout est défendable si on le fait bien, donc quel que soit la thèse finale du film, a priori vous n’aurez pas l’impression d’avoir assisté à un film de propagande.

Maintenant, le cas épineux du chef d’œuvre, mot Ô combien galvaudé.

Un chef d’œuvre pour moi est un film qui clôt le sujet, le débat dans un domaine. Un chef d’œuvre c’est un film où quand tu arrive après sur le même sujet, t’a intérêt à être vraiment bon et convainquant. D’ailleurs, beaucoup renonce souvent à faire un film sur un même sujet immédiatement après un chef d’œuvre.

Les vrais chef d’œuvres sont donc beaucoup plus rare qu’il n’y paraît et que certains croient.

Beaucoup confondent en fait culte et chef d’œuvre. Un film culte c’est un film marquant par certaines caractéristiques (sa violence, sa vulgarité, ses idées…) qui fut novateur dans un contexte donné (voila pourquoi les films cultes ne sont souvent adoubés que longtemps après leur sortie). On peut cependant arriver après un film culte, pas après un chef d’œuvre.

Entre un film culte et un chef d’œuvre, il y a une différence de nature et non pas de degré. L’un ne menant pas forcément à l’autre.

En effet, un film culte ne souffre pas la contradiction : on ne peut nier que Matrix est un film générationnel, on ne peut nier son impact sur la pop culture. Mais on peut nier (comme moi, même si je l’aime bien) qu’il soit un chef d’œuvre.

Un chef d’œuvre est obligatoirement débattu : un film que tous aime (hop, pied de nez à Chihiro + Nolan, qui aura sa part prochainement) est juste consensuel et conçu pour être aimé.

Un vrai chef d’œuvre te retourne le cerveau, le cœur, les tripes quand tu le regarde.

Un chef d’œuvre, c’est l’opposé du film que tu regarde le samedi soir tranquille (alors qu’un culte, tu peux). C’est une expérience qui doit rester rare sous peine de perdre sa valeur. C’est aussi pour ça qu’il n’y a pas de mention coup de cœur pour Blade Runner, c’est un film que j’adore, mais que je n’aime pas (=je le vénère, mais ne le regarde pas juste pour le plaisir).

(Ça ne veut pas dire que le chef d’œuvre est chiant, au contraire. Un film chiant, c’est toujours un film raté, au moins partiellement.)

Un vrai chef d’œuvre est donc aimé ou détesté. La pire insulte qu’on puisse faire à un chef d’œuvre, ce n’est pas le 1, mais bien le 5 ou le 6. Parce que 5 ça montre que le film avait des idées, mais qu’il n’a pas développé. On reconnaît la valeur du film, mais pas entièrement.

Pour moi, un chef d’œuvre n’est pas (jamais) consensuel. Alors que pour beaucoup, "chef d’œuvre = truc que j’adore" (avec bonne foi ceci dit).

Parmi les films cultes, on trouve des chef d’œuvres, mais c’est vraiment 1% du total. A peine. (Entre parenthèse, ça montre aussi pourquoi certains films culte sont des nanars).

Blade Runner est un film culte quasi-incontesté. Mais c’est aussi un chef d’œuvre, ce qui est rare.

Pour récapituler toute cette parlotte, on peut dire que pour trouver un bon film, cherchez : la problématique du film, son angle d’attaque, son raisonnement (les personnages sont l’outil du raisonnement, prenez garde), ses éléments de réponses, sa réponse. Ça à l’air simple. Mais non ahah.

Retenez aussi que culte = différent de chef d’œuvres (qui est rare).

Je me rends bien compte que ma définition du chef d’œuvre est peut être assez exigeantes, peut être faudrait t-il créer une catégorie à part, de chef d’œuvre ultime ou un truc du genre.

Et enfin,

V : Dernières visions de Gortus sur l'île de Tannhäuser (près de l'épaule d'Orion), et évocation d'un personnage que j'ai oublié.

Je m'aperçois que j'ai oublié de parler de JF Sébastien.

Ce personnage, oh combien émouvant, est certes secondaire, mais surement pas dispensable. La condition horrible de Sébastien est évoquée dans livre : il est trop pauvre pour émigrer dans l'espace et trop pauvre pour vivre ailleurs que dans des immeubles abandonnés, pollués de partout. Mais surtout, il vieillis en accéléré, à cause de sa maladie, une maladie génétique rare mais existant réellement (!). Son intérêt est qu'il comprend mieux que quiconque ce que vivent les replicant, condamnés à ne vivre que 4 ans. Ingénieur chez Tyrell Industry, il est celui qui loge les replicant (par gentillesse et humanité), ne les discrimine pas lorsqu'il apprend la vérité, et même lorsqu'il est témoin de la mort de Eldon Tyrell des mains de Baty. Plus encore, il les comprend et les protège.

Mais surtout, ce personnage nous permet d'avancer que l'humanisation des replicant a été progressive. Au lieu de les prendre directement pour humain, les replicant ont évolués. Passant de dangereux agressifs, ce qu'ils étaient probablement de base, ils évoluent au contact de Sébastien. Ainsi, lorsque Baty se rend compte que Sebastien mourra bientôt, il lui prête plus d'attention car il devient son semblable. Baty devient frère virtuellement avec un humain, si différent. Le film nous fait sous entendre que c'est à cette occasion que Baty comprend que les humains ne sont pas nécessairement des ennemis, qu'il cesse de les voir comme les monstres qui l'ont condamné, mais comme des êtres uniques chacun, avec leurs propres potentialités. Bref, ce que Baty aspire à devenir.

La fin de Blade Runner en devient encore plus émouvante, puisqu'au lieu d’assister à la montée au ciel d'un humain, on assiste à la montée au cieux d'un repenti, d'un ex-criminel insensible ayant vu la lumière. Baty partait d'encore plus loin que les autres (notamment Zhora, peu agressive).

Tout cela grâce à Sébastien. C'est ce qu'on nous suggère, que je me plais à imaginer et que je n'ai compris que récemment. On voit en effet Baty changer avec lui. Au début froid et méprisant, il se montre ensuite soucieux de le protéger de Deckard.

Comment ne pas prendre pitié de Sébastien, déserté par ses semblables pour sa différence sociale

et se réfugiant dans ses automates/poupées. Dans un autre genre de film ça aurait pu être terrifiant. Peut être voit-il Baty d'un œil paternel aussi, lui qui est stérile (dans le livre, on comprend que les gens exposés à la pollution de la Terre, comme lui, deviennent stérile à terme).

Pour conclure, rappelez vous que Blade Runner est un chef d’œuvre, mortels, et n’oubliez pas cet enseignement (à moins que vous n’en ayez rien à faire, ou que vous pensiez différemment, auquel cas faites le moi savoir dans les commentaires).

Gortus
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le 12 janv. 2024

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