Une suite injustifiable dont le scénario ne cesse de se justifier tout a long du chemin de croix que représente ses trop longues deux heures et quarante-cinq minutes. A une urbanité close et étendue à l’infinie s’est substituée la possibilité d’un « dehors », et dés lors cette ouverture fait basculer ce qu’il convient désormais d’appeler à contrecœur franchise dans la vacuité.


« It’s too bright in here » dit le policier avant que ne s’abaisse l’écran U.V venant symboliquement éteindre le jour de manière définitive sur le premier volet. C’est de cette scène originelle que Villeneuve arrache le sépia qui caractérisera deux lieux essentiels de son Blade Runner, à savoir le siège de la Wallace Corporation et un Las Vegas déserté. On ne peut que saluer la volonté du réalisateur de ne pas proposer une simple digestion du premier opus, et, de sauter dans cette seule et unique fenêtre de lumière vive alors offerte. C’est dans ce contexte que 2049 accouche de ses plus belles idées, et, on retiendra particulièrement la naissance prométhéenne du prototype Nexus.
Cette lumière vive et crépusculaire à la fois brille comme, et à la place du soleil, celui que représente la corporation en son siège, et celui qui lui à brulé les ailes dans le désert. C’est visuellement ce que l’on est en droit d’attendre de cette suite. Elle est l’antithèse.


Et c’est là que le québécois s’égare, en proposant directement sa synthèse. Entre la lumière et la nuit, trop de terrains neutres. Le film est beau - pas toujours- mais au delà de montrer, il faut aussi raconter. Ce qui caractérise le personnage Dickien, c’est le doute, et c’est en cela que Ridley Scott, bien qu’en prenant de larges libertés avec le roman, propose une oeuvre en adéquation avec la vision de Philip K. Dick. Chez Villeneuve, la paranoïa est effacée et c’est toute l’intensité dramatique qui est annihilée. Le personnage de Ryan Gosling ne doute pas de son inhumanité et encore moins de celle de sa compagne. Il est libidinal là ou les Nexus-6 étaient pulsionnels dans leur volonté de vivre. Et ce n’est pas le misérable « double twist » sur son identité qui changera la donne.
Ce qui est à l’enjeu dans l’oeuvre originale, c’est la contingence. Deckard pourrait échouer dans sa mission que cela n’aurait pas de véritable incidence sur son environnement. Après tout, ceux qu’il traque sont déjà mort. C’est leur quête d’absolu dans un monde fini qui nous saisit. Substituer les codes du film noir à une narration portant des enjeux révolutionnaires, c’est plier devant la norme de science fiction hollywoodienne qui depuis Matrix, peine à se ré-actualiser. C’est choisir le grand soir avant la révolution subjective. C’est la synthèse sans l’antithèse.

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le 5 oct. 2017

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