Comme son illustre prédécesseur, 2049 s’inscrit de plain-pied dans son époque. J’ai pu dire ailleurs comment pour Blade Runner ces marques outrageusement 80s n’avaient miraculeusement pas nui à la crédibilité futuriste de l’œuvre, je ne saurai malheureusement être aussi affirmatif pour celui-ci.


Engoncé dans des thématiques et une esthétique froide qui rappellera à chacun Her, Ex Machina ou encore je ne sais quel Nolan de mauvaise facture, le film de Denis Villeneuve peine à être autre chose que le moins mauvais exemple d’une veine malheureusement médiocre.


Je m’empresse au passage de préciser que des circonstances indépendantes de ma volonté m’ayant tenu par trop souvent éloigné des salles obscures, je n’ai vu aucun des films précédent de ce monsieur dont vous dites tous tellement de bien que ça me titillerait presque si je n’étais vacciné par tous les autres cinéastes décevants qui furent à sa place dans votre cœur d’artichaut tout au long de ces dernières années…


Je ne sais pas par quelle douce et inhabituelle bonhomie j’ai pu accueillir l’idée de cette suite tardive à un film qui n’en demandait pas tant ayant eu par ailleurs indirectement une plus grande postérité que tous les autres films de son domaine n’en eurent jamais. A ma décharge, j’ai découvert l’affreuse affiche dans la salle de cinéma, je n’avais donc pas l’ombre d’une appréhension, j’étais tout frais, prêt à recevoir avec délectation 2h50 de S-F bien torchée, n’en demandant d’ailleurs pas davantage, et sans attentes particulièrement élevées tant le cinéma contemporain ne me semble guère propice aux enthousiasmes préparatoires.


Et donc, avec une certaine gentillesse, je regarde sagement ce brave Ryan promener mollement son inertie d’un domaine numérique froid à un autre domaine numérique froid à la recherche de je ne sais trop quoi sans que cela ne puisse avoir d’ailleurs le moindre intérêt ou la moindre conséquence.


Je me demande simplement à un moment si, pour ne pas avoir compris grand-chose au monde précédent, ils étaient vraiment obligés de graver « Blade Runner » avant « 2049 » et si, pour se faire enfiler une fois de plus la même éternelle histoire d’élu, il était bien nécessaire de vouloir rattacher à tout prix cette histoire falote à la précédente quitte à l’affadir considérablement.


Alors je suis avec politesse cette vaine tentative pour rendre vivant avec les gros moyens disgracieux d’aujourd’hui un monde que deux camions et six figurants rendaient inoubliables 35 ans avant. J’admire a contrario la subtilité qu’il fallait alors pour intégrer délicatement au sein de l’histoire les petits détails qui allaient poser les marques indélébiles d’un univers propre alors que, forcément, lorsqu’on essaie de faire le contraire et de rajouter un brin d’histoire à un monde enfoncé à coups de gros sabots, ça marche tout de suite un peu moins bien. Je supporte sans trop bâiller la jeune fille virtuelle un peu moins disgracieuse que les autres, je me demande pourquoi Robin Wright est devenu la plus robotisée de l’ensemble, si on pense vraiment que deux kilos de fausse poussière et un maquillage de boue vont rendre le héros plus crédible et j’attends tranquillement la fin du produit en ne souffrant que par intermittence.
Mais quand même, baigner tout le film de ce laborieux BBBYYYYOIIIIUNNNGGGGGGGGG comme bande sonore là où Vangelis magnifiait les images, au bout de 2h50, ça lasse, sans compter l’effet des vibrations sur les vessies les plus sensibles, et si je sais bien que la notion même de mélodie est devenue criminelle aujourd’hui en musique, fut-elle de cinéma, je ne peux malgré tout pas m’empêcher de le regretter un tantinet.


Et puis c’est quoi ce « méchant » d’opérette, cette ridicule scène de « naissance », cette interminable et misérable séquence d’amour semi-virtuelle ? Pourquoi donc rater aussi manifestement des détails par ailleurs inutiles dont le spectateur aurait pu se passer avec grand profit ?


Parfaitement de son temps, encore une fois, là où l’original n’avait pas eu contractuellement le droit de dépasser les deux heures, le film suit la mode des interminables grosses productions sans jamais savoir comment justifier un tel luxe. Et très tardivement, quand apparait le héros passé, dans un faux suspense que la promotion du film rend assez grotesque, on se surprend à soupirer d’avance aux scènes laborieuses qui vont devoir s’empiler complaisamment. Au passage, Harrison (qui ne se montre pas torse nu, Smile, à peine un bout de t-shirt mouillé), 75 ans bien comptés, peut-être un peu trop pour jouer le coup de poing comme à la grande époque, ressort ici l’éternel Harrison que l’on a pourtant tant aimé, mais en oubliant que pour ce rôle-là, exceptionnellement, il avait mis en retrait une partie de sa fougue naturelle et donc parait un peu en décalage avec le personnage original.


Et je n'essaie même plus de me demander au passage pourquoi, si nous avons bien connu ces 35 dernières années une impressionnante vague de lois anti-tabac, le monde de Blade Runner s’est senti obligé de connaitre la même entre son 2019 et son 2049, alors même que ses caractéristiques particulières ne s’y prêtaient absolument pas.


Enfin, si certains, le plus souvent pour de mauvaises raisons, prêtaient à Blade Runner une certaine force de contenu, un questionnement philosophique assez inhabituel, il est utile de préciser que ces thématiques étaient alors suggérées par le film, et que c’était le spectateur lui-même qui décidait de prendre, ou non, ces interrogations à son compte.
Parce que quand la même chose essaie de se passer explicitement et que les protagonistes du film ânonnent eux-mêmes les tirades grandiloquentes creuses comme un cadavre de cannette en fer-blanc, inutile de dire que le risque de ridicule apparait alors comme la seule chose réellement vertigineuse au spectateur exténué qui, comme l’original, n’en demandait pas tant.

Torpenn
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le 9 oct. 2017

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Torpenn

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