EMO DROIDES
Je n'ai pas grand chose à dire sur le visuel d'un film à 150 millions, sauf si quelque chose sort de l'ordinaire. Ici, l'absence de grain de la HD numérique permet de montrer les particules en suspension dans l'air.


Considérons le gros problème du film, que sa durée rend évident. Le scénario.
Pourquoi tout se déroule au ralenti? C'est l'entropie? Leto parle au ralenti, la scène d'amour, qui casse le rythme au moment où ça aurait enfin dû démarrer, est interminable avec la/les nanas qui s'approchent à la vitesse d'une limace...


Et le clébard alors?
Il était déjà là quand Deckard est arrivé pour bouffer des boîtes conserve périmées pendant 30 ans? C'est un robot ? - il carbure à l'alcool fort, comme Bender. J'aime bien le plan sur le chien qui les regarde tous l'abandonner. C'est presque la première fois qu'un personnage continue d'exister après que le héros a cessé de s'y intéresser ; contrairement au patron de l'orphelinat chrétien esclavagiste, ou à la fille dans sa bulle, qu'il abandonne sans scrupule à sa solitude pour retrouver son amante imaginaire - pour une nouvelle scène interminable de bonheur conjugal. Je réalise que le nounours d'A.I. m'avait ému , à l'époque


alors que la TROP prévisible "mort" de Joy, avec un scénario en mode automatique, a juste trop tardé


d'ailleurs les statues géantes dans le désert, ce sont celles du quartier des homéoputes non ?


"These are real memories" - ouais, et alors ? C'est à la réaction bizarre du "robot" que j'ai compris qu'il entendait que c'étaient SES souvenirs, un raccourci rapide pour un enquêteur (oui, "on rêve tous que ce soit nous"...). A ceux qui reprochent à l'acteur son manque d'expression (mention spéciale à celle qui suggère à Ryan de jouer dans le biopic de Droopy), je rappelle qu'il joue un androide qui sera envoyé à la casse dès qu'il exprimera la moindre once d'émotion.


Le film n'est pas assez long pour donner de l'épaisseur à ses personnages! Bon, le cliché de sa patronne qui lui donne 24h, laisse supposer un lien maternel. Pour ce qui est des motivations émotionnelles du fabricant de réplicants, elles restent obscures. Son exécutrice est un peu chagrine lorsqu'il s'agit de sacrifier ses congénères - elle aurait pu devenir une tête de file de la révolution, tiens, ça m'aurait fait soulever un sourcil. C'est la seule à m'avoir inspiré quelque chose - beaucoup de sympathie bien sûr.


Et pourquoi les réplicants semblent-ils être les seuls animaux génétiquement construits, dont la ressemblance avec les humains prête à une confusion qui n'est facilement explicable que dans le cas d'un esclavagisme sexuel ? Voilà une piste à explorer, ou à expliciter, au lieu de nous la refaire à l'identique.
Je rappelle qu'à l'époque de la sortie du premier film, la notion de réplicant était énigmatique, car la génétique n'était pas encore une notion répandue aux possibilités illimitées. Le film apportait cette richesse supplémentaire de "robots" qui développaient progressivement des affects, contrairement à ceux du roman (même si c'est n'importe quoi, sauf dans le cas où ce seraient des clones d'humains auxquels on aurait essayé d'extraire des émotions qui referaient quand même surface). Bon, les animaux ressentent et éprouvent. Les plantes aussi peut-être. Mais pas les robots, sinon ils cessent d'être des robots. Essayer d'imiter les animaux avec des technologies "métallurgiques" n'a actuellement aucun sens. C'est comme vouloir aboutir à un point en empruntant le chemin qui s'en éloigne. On finira peut-être par obtenir un truc ressemblant, mais c'est pas pour après-demain, sauf révolution scientifique - et le résultat sera inédit. Pas une copie, et plus qu'une imitation.


Est-ce ma faute si je n'ai ressenti que de l'ennui devant les scènes supposément émouvantes du film ? J'ai l'impression que le seul personnage à m'avoir un peu touché était Drax (des gardiens de la galaxie bien sûr, trop rigolo). Restaient 2H30 de torpeur.
Villeneuve réalise des films à gros budget qui ne tombent pas dans les ressorts émotionnels évidents - ou bien est-il juste incapable de me faire ressentir des émotions ? Ses sempiternelles "musiques" techno infra-basse ultra minimalistes sont très irritantes, c'est un début. J'imagine qu'elles participent de cette esthétique du dénuement qui range ses films dans la catégorie opposée aux spectacles tous publics comme Valerian ou les Transformers, qui ont le mauvais goût de proposer des couleurs et des mélodies.
D'ailleurs je ne comprends pas les unanimes louanges envers la photographie de BR2. Même ceux qui n'aiment pas le film n'expliquent pas ce qu'ils entendent par là. Comme souvent, si c'est bon on ne dit pas pourquoi ; la quasi unanimité est un bon indicateur d'excellence ou de nullité, mais détaillez un peu s'il vous plaît, ici ça m'intéresse.
Il y a des jolis reflets ? (en passant, ce Blade Runner se concentre plutôt sur l'eau, éventuellement en la teintant de jaune ocre, éliminant quasiment le feu, qui effectivement deviendrait assez plat à travers ce filtre).
Cette critique n'est définitivement pas définitive.


Quant au bon vieux "vivre libre ou mourir", ma foi ça m'a fait penser à la dialectique du maître et de l'esclave dans la phénoménologie de l'esprit de Hegel - les maîtres sont ceux qui acceptent de mourir... Ce qui est plutôt bien placé de ma part et de celle de Villeneuve quand même. Mais pas révolutionnaire, hein ?
NB - encore une retouche - j'ai pas relu la Phénoménologie de l'Esprit, mais je vais mettre un bémol à ma remarque finale de petit malin. On peut supputer que les "esclaves" font partie de la catégorie des gens qui ont peur de mourir, mais ils ne sont pas les seuls. Et puis Hegel ne prenait probablement pas en considération l'éradication complète d'un peuple - être le gars le plus libre de la fosse commune, ça fait une belle jambe.
A part ça, le film original aussi était joli et creux, mais plus dense.


notes en vrac sur les lacunes du scénario :
à la fin, K laisse ses nouveaux amis dans la panade, puisqu'ils avaient passé leur vie à s'éviter pour se préserver. Sachant que Wallace est toujours en activité, et que la fille ne peut pas sortir de sa bulle, où ça mène tout ça ?
En mode Misérables, la pauvrette avait été laissée par son pater chez un Thénardier, où elle a fait une formation de programmatrice de réalité virtuelle en désossant des vieux ordis, avant de trouver un poste dans une grosse boîte puis, au moment opportun, de perdre ses défenses immunitaires. Je comprends mieux le choix d'un mode de narration elliptique. Ca ne mène pas le spectateur par le bout du nez ; ça le laisse penser (ou roupiller) pendant les longues plages contemplatives. C'est du cinéma adulte : au spectateur d'écrire le scénario avec les bouts incohérents qu'on lui fournit.
Les motivation obscures de Wallace trouvent plus facilement une explication dans une forme de mégalomanie mystique, une mythologie personnelle sur laquelle on ne s'étendra pas : contrairement à Monsanto qui voit son intérêt dans la fabrication de plants qui ne peuvent ni se reproduire ni se croiser avec d'autres variétés, ce qui est économiquement rationnel en plus d'être un loquet de sécurité (certes pas viable du tout) sur le plan sanitaire, Wallace ne rêve que de créer des êtres artificiels qui puissent se reproduire. En gros une brebis Dolly qui tienne la route. Ce qui me plonge dans des abysses de perplexité. Car dès qu'on examine la nature de ces "réplicants", on finit avec de banals bébés éprouvettes, dont l'esclavage n'est possible qu' "off world", dans des zones de non-droit. Rien de transcendant là-dedans. La procréation assistée ussi est-ele devenue illégale?
Et puis ils m'embrouillent complètement avec ces histoires de Nexus génération x, y, z... C'est juste pas clair.
Avec ça, c'est moi qui ai temporairement perdu connaissance ou bien le passage où il examine l'adn de je sais plus qui et le compare avec le sien, est juste incompréhensible?
Et bon sang, son holo-pute au foyer promue au rang de partenaire d'enquête - quelle promotion sociale pour les holo-putes! - , non seulement n'apporte rien à l'histoire, rallonge le film avec 1/2 heure de scènes de couple so-po-ri-phiques, mais n'est guère plus que le nounours d'A.I. (beaucoup plus émouvant), ou Jiminy Criquet, ou n'importe quelle mignonne créature de second rôle d'un film Disney.
A part ça l'eau propre est rare, on est dans le désert mais il pleut encore pas mal, voire il neige (j'ai pas pu identifier clairement), tout est vide, c'est la pénurie, on se retrouve quelques années après Soleil Vert et on a trouvé une solution de remplacement pour la nourriture.
Certes c'est le désert, mais c'est logique, la Californie anthropisée épuise des nappes phréatiques et détourne des ressources limitées, lacs et autres, et ça ne peut pas durer. Ailleurs dans le monde, on peut imaginer trouver des villes vertes, d'immenses jardins anglais, des jungles urbaines maîtrisées...
Et les abeilles dans une zone désertique/contaminée? Si je fais mon travail de spectateur actif, je dirais que Deckard a planqué un jardin souterrain (dans un abri anti-radiations par exemple) qu'il arrose de lumière artificielle adéquate, ce qui lui permet d'aller déposer des fleurs sur la tombe de Rachel (hop! d'une pierre deux coups!).
En conclusion, Ridley Scott, qui a réalisé quelques merveilles en début de carrière, s'échine en fin de vie à saboter ses meilleures créations en leur adjoignant des extensions superflues, transformant des jeunes et fraîches beautés en de vulgaires radasses. Une oeuvre organique, qui reflète l'effet du temps, en somme.
S'ils avaient eu plus de succès, on aurait droit à "Duellistes, match retour" et à "Legend II, la légende continue". Et qui ne rêve d'un "Black Rainbow 2 in China, the Yellow Peril" ?


Il faut que j'arrête avec ce film... IL faut que j'arrête avec ce film...


Disons juste qu'il a un peu déçu mes attentes.

ChatonMarmot
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le 16 oct. 2017

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ChatonMarmot

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