Blame!
6.2
Blame!

Long-métrage d'animation de Hiroyuki Seshita (2017)

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Impossible de ne pas taper à coté de la plaque quand il s'agit d'adapter Blame!, un manga reposant en très grande partie sur le non-dit et sa narration visuelle. L'échec est d'autant plus assuré si l'on essaie de compresser tout ça dans un long métrage.
Et pourtant...


Pourtant, le premier quart d'heure réussit étonnamment à, à travers une expédition, le gigantisme de la superstructure tentaculaire qu'est cette ville-univers -la courte rencontre avec un Bâtisseur fout le frisson-, la détresse de l'Humanité au sein de cette structure, l'urgence des enjeux du village de pêcheurs en terme de survie. Le mélange d'animation manuelle et numérique fonctionne plutôt bien, et on est rapidement happé par cette démesure vertigineuse qui, sans rendre vraiment justice aux planches de Nihei, réussit à imposer sa patte et à ne pas trahir les intentions de l'auteur originel.


Le problème, c'est que le film ne peut pas se permettre de reposer sur une narration oblique, sur un non-dit lancinent à l'échelle d'une dizaine de volumes.
Donc on se retrouve dans une structure narrative classique qui réagence les éléments du manga en les réduisant à un schéma traditionnel, entre le village qui lutte pour sa survie, le "héros" qui poursuit sa quête depuis des temps immémoriaux, les intérêts des deux qui coincident le temps d'une expédition dans la Ville...etc.
Indéniablement, les ingrédients de Blame! sont là, mais il est impératif de faire le deuil du manga pour pouvoir apprécier ce que le film a à offrir et ne pas le vivre comme une trahison.
Car non seulement c'est beau -malgré un parti-pris risqué d'user en abondance de numérique-, mais en plus, à travers les contes du village, leur relation à la ville, on se retrouve dans une zone qui flirte avec le Miyazaki de l'époque Nausicaa. On pourrait aussi y voir l'influence du Stalker de Tarkovski, les parallèles entre la traversée de la Zone dans Stalker et celle de la Ville dans Blame! étant loin d'être anodins.


On pourrait en fait citer beaucoup de modèles, plus ou moins à propos -j'ai pensé à Katsuhiro Otomo par moments, à Ghost in the Shell dans la relation (implicite) au corps et à l'âme, entre autres (voire même à Matrix, ce qui n'est pas un compliment dans ma bouche)-, et on arrive à un constat paradoxal : l'adaptation d'un manga suffisamment singulier pour se placer en marge de tout et influencer de façon insidieuse une génération de créateurs -jouez à NaissanceE, crénom!- finit à terme par ressembler à un mash-up d'oeuvres diverses, parfois celles que Nihei a influencé, parfois celles dans lesquelles il a puisé, à d'autres moments des oeuvres qui semblent avoir surtout influencé les réalisateurs du long-métrage.


Sans compter un certain nombre de maladresses narratives, d'abus pyrotechniques, quelques facilités frôlant le Deus Ex Machina -...- et quelques problèmes de rythme qui sentent l'hésitation entre le contemplatif et l'action à fond les balloches.


Bref, Blame!, le film, n'est pas à proprement parler une bonne adaptation, car l'oeuvre originelle exploite avec efficacité et un certain génie les spécificités de son support. On devrait parler de retranscription au moins correcte, qui donne un peu l'impression d'être un "Once upon a time in Blame!...". Mais il reste suffisamment bon et possède suffisamment de moments de grâce et de démesure pour mériter un visionnage dans de bonnes conditions... à condition d'oublier, le temps d'un film, le manga d'origine et d'accepter les termes de ce nouveau contrat narratif.

toma_uberwenig
7
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le 30 nov. 2018

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toma Uberwenig

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