Je trouve dans Blanche-Neige, tel que l’a imaginé Marc Webb, quelque chose d’un cinéma désincarné, vidé de substance et figé dans une posture aussi vaine que démonstrative.
Dès les premiers plans, quelque chose cloche. On attendait la réactivation d’un imaginaire fondé sur l’épure, la nature, l’effroi merveilleux, mais ce que le film donne à voir, c’est un monde sous cellophane, plastifié à l’extrême, où la forêt semble émaner d’une planche de rendus 3D, où les animaux clignent des yeux comme dans une publicité de Noël pour supermarché, et où les nains ont été remplacés par des entités informes, en CGI.
La décision de gommer les nains au profit de « créatures magiques » est symptomatique de ce que le film ne parvient jamais à assumer : son malaise devant la matière même du conte. Comme s’il fallait à tout prix nettoyer, expurger, moraliser la fable. Or, en cherchant à rendre tout transparent, conforme, inoffensif, le film finit par aplatir le récit, détruire ses strates,
Par contre, Blanche-Neige, dans cette version, n’est plus une figure d’innocence passive, ni une victime promise à un homme, mais un personnage programmé pour incarner les attendus d’un féminisme d’affiche : indépendante, forte, revendicative. Ce qui en soi pourrait n’être ni un défaut ni une trahison, si le film trouvait les formes capables d’accueillir cette réécriture.
Mais non : tout est plaqué, surligné, didactique. Et Rachel Zegler, malgré une présence indéniable, ne trouve jamais l’équilibre entre l’héritage qu’elle tente d’habiter et la modernité qu’elle est sommée d’imposer.
Elle semble prise au piège d’un double bind : ne pas trop ressembler à Blanche-Neige, mais ne pas trop s’en éloigner non plus. Résultat : elle joue sur la défensive, presque en retrait, crispée sur une posture plutôt qu’une incarnation.
Gal Gadot, de son côté, s’amuse visiblement à jouer la méchante reine, mais son plaisir de surface ne suffit pas à densifier un rôle qui reste prisonnier d’un kitsch mal assumé. Trop sérieuse pour être camp, trop absurde pour être tragique, elle aussi oscille. Un film qui ne sait jamais s’il veut faire peur, faire rire, faire rêver ou juste faire joli.
Mais encore le château est une image de synthèse, la forêt un fond vert, l’enchantement une interface. Le regard ne peut s’accrocher à rien.
Alors que reste-t-il, après le générique ? Le sentiment que ce Blanche-Neige n’a pas été pensé, mais validé. Qu’il n’est pas né d’un désir de cinéma, mais d’une mécanique de production. Un objet miroir d’une époque qui, en voulant à tout prix éviter les aspérités, finit par étouffer ce qui faisait du conte une matière vivante.
Et au fond, peut-être est-ce là sa seule réussite : nous rappeler, par contraste, combien la magie du premier film tenait à sa rugosité, à ses zones d’ombre.