Blanche-Neige ou l'exemple même d'un passé révolu (Ma vraie note 6,5/10)

[ATTENTION! La critique qui va suivre est principalement destinée au public féminin. En effet, mesdames, étant moi-même une femme, je tiens à parler de nous à travers cette critique; que ce soit au sujet de notre image dans la société ou de nos rapports avec nos mères (toutes mes excuses à celles qui ont grandi sans mères et/ou sans figures maternelles).

Cependant, cela ne veut pas dire que j'interdis la lecture de cette critique au public masculin. Au contraire messieurs. Je vous encourage même à la lire. Non seulement parce que je ne néglige pas l'image des hommes dans la société dans les lignes qui vont suivre mais aussi afin de partager avec vous des problèmes sur l'image des femmes qui ne paraissent pas évident à déceler au premier abord.

Ainsi, que vous soyez femmes ou hommes (ou autres), libre à vous de lire ce qui va suivre.]

Il y a quelques mois de cela, Disney fêtaient leur 100 ans avec la diffusion d'un court-métrage anniversaire ayant été mis depuis décembre 2023 sur internet.

C'est donc l'occasion de revenir sur ce qui a fait la renommée des 'Studios Disney'. Non pas en parlant du célèbre Mickey Mouse mais de leur tout premier Grand Classique: Blanche-Neige et les Sept Nains.

Avant de critiquer ce film, je tiens à préciser une chose dont je parle souvent en ce qui concerne les jugements des oeuvres très anciennes; ici les films.

Il y a ceux affirmant qu'un vieux film est un "Classique incontournable" et un chef d'oeuvre pour son époque et d'autres convaincus qu'un vieux film a forcément mal vieilli.

Et bien que je cherche à ne pas être catégorique sur le sujet, j'ai le sentiment d'étre dans le deuxième camp. Je suis consciente qu'au moment de la sortie de Blanche-Neige et les Sept Nains, les mentalités rétrogrades étaient considérées comme normales. Cependant, cela ne veut pas dire qu'il faut les passer sous silence sous prétexte que, parce qu'un film a été considéré comme un chef d'oeuvre à sa sortie, il faut le considérer comme une oeuvre incontournable, intouchable et sans le moindre défaut car ce type d'oeuvre n'existe pas.

C'est pourquoi je vais juger Blanche-Neige et les Sept Nains non pas par rapport à son époque mais selon comment on juge une oeuvre par rapport aux mentalités actuelles car, pour moi, un vrai Classique doit être intemporel.

Avant que je ne me lance voici une bonne nouvelle pour ceux qui ont grandi avec la VHS des années 90 où se trouvait la VF de 1962. L'ayant miraculeusement trouvé, c'est sur cette version que se basera ma critique et non pas le doublage DVD/Blu-Ray de 2001 que beaucoup d'entre nous n'aiment pas du tout (par contre, je vous préviens, durant tout le film, l'image était loin d'être nette).

Sur ce, bonne lecture!

Blanche-Neige et les Sept Nains ou l'immense succès inattendu en lequel personne ne croyait.

Ce film a impressionné et conquis de très nombreuses petites et grandes spectatrices.

En effet, quoi de mieux que d'adapter un conte avec une héroïne afin de faire rêver les petites filles? Quoi de plus audacieux que faire découvrir aux mères, tantes et autres femmes ayant un lien de parenté avec une enfant un film aux magnifiques images et à l'animation incroyablement fluide en faisant savoir aux spectatrices que tout a été fait à la main à une époque où il était impensable que ce fut possible d'accomplir cela?

Mais de quel conte s'agit-il? Et bien de Blanche-Neige. Que raconte cette histoire? La Princesse Blanche-Neige a une belle-mère célèbre pour sa beauté mais également pour sa méchanceté. Quand elle apprend que Blanche-Neige est plus belle qu'elle, elle tente de la faire tuer. Ce qui oblige Blanche-Neige à s'enfuir et se réfugier dans un logis habité par sept nains.

Rien qu'à ce résumé, on sent que les personnages ne vont pas être très profonds mais seulement des stéréotypes: la belle demoiselle naïve et niaise, la méchante femme imposante et glaciale.

De plus, la chose se ressent particulièrement avec les sept nains limités chacun à un trait de personnalité à travers leurs "prénoms": Prof, Joyeux, Atchoum, Timide, Dormeur, Simplet et Grincheux.

_Que toutes celles et tous ceux qui se rappelaient des prénoms des nains avant de lire cette critique écrivent "Moi" dans la section commentaire. Si vous les aviez oublié, écrivez "Pas moi"^^_

Et n'oublions pas la méchante sorcière à l'apparence digne de celle de la sorcière la plus clichée du monde faisant penser à la vile Carabosse.

En voyant tous ces stéréotypes dépassés, on ne peut que se dire que tout ceci est dû au fait que le film date des années 30 et que c'était le genre de cliché qu'on osait mettre en avant à l'époque.

Le côté daté se ressent davantage au fait que l'héroïne et la méchante sont opposées d'une façon plus que douteuse.

En effet, l'héroïne ne reste pas seulement à la maison tandis que les hommes sortent. C'est une ménagère docile faisant la cuisine et entourée de vêtements, sols ou encore vaisselle sale dans une maison habitée par des "petits hommes" attendant passivement le Prince Charmant. La méchante, elle, est une femme au pouvoir instruite vu qu'elle est une méchante Reine et entourée de livres de sorcellerie.

Ce sexisme est davantage appuyé avec une insulte envers les petits et grands spectateurs à travers les nains. En effet, ils sont tous de genre masculin vont travailler dans une mine, sont bien peu propres et n'aiment pas se laver (de plus, Grincheux est misogyne.).

Sérieusement mesdames, laquelle d'entre nous n'a jamais rit en disant "Siffler n'encourage pas à faire le ménage. J'ai essayé, ça n'a jamais marché."? Quel homme n'a jamais dit en ricanant "Piocher n'est pas mon jeu préféré."?

En parlant de rire, au fil des années, Disney évoluant avec la société, ces derniers ont également fait leur auto-critique du daté Blanche-Neige et les Sept Nains (sans compter les datés Cendrillon ou encore La Belle au bois dormant) à travers des films comme Il était une fois ou encore La Reine des Neiges ridiculisant les clichés de la ménagère docile (Il était une fois mettant en scène son héroïne appelant des cafards pour nettoyer un logis), l'amour au premier regard, du baiser d'amour sincère ou encore la passivité ne menant nulle part si ce n'est à être ridicule aux yeux des autres. Cela tout en montrant intelligemment qu'il est plus important de faire sa vie soi-même plutôt que d'attendre une entité inexistante qui va résoudre nos problèmes à nos places.

Faut-il donc se dire que nous pouvons pas aimer Blanche-Neige et les Sept Nains à cause de ses aspects problématiques faisant soupirer? Ne doit-il donc plus être qu'un objet de moqueries de la part de spectatrices et spectateurs vivant dans un monde où les mentalités rétrogrades sont devenues intolérables?

Non!

Pourquoi? Parce que ce film ne se limite pas à ses aspects problématiques. C'est un film créé avec acharnement, talent et ambition. Ambition ayant donnée une oeuvre tantôt féérique et joyeuse...

https://www.youtube.com/watch?v=sKfFMn9dcG0

...tantôt pleine de joie de vivre...

https://www.youtube.com/watch?v=n1xaguvKmd8

...ou encore emplie de terreur pouvant provoquer des cauchemars...

https://youtu.be/fygVgl6HmgI?t=15

https://youtu.be/7wlHaQLE2iY?t=2779

...la palme d'or revenant à la toute première scène de mort de méchant de l'Histoire de Disney.

https://youtu.be/X63uJcs5DUA?t=65

Il est donc clair que loin d'être la daube agaçante et niaise que beaucoup de gens pensent que ce film est, Blanche-Neige et les Sept Nains est une oeuvre qui, non seulement a révolutionné le monde de l'animation, mais également a touché à tous les registres pour toucher un large public.

Ce qui s'entend à sa superbe musique (et ses belles chansons) composée par Leigh Harline et Paul J. Smith.

https://www.youtube.com/watch?v=xKjn2vmzhv8

De plus, la VF (de 1962) est composée d'un casting de luxe.

Lucie Dolène est une Blanche-Neige parfaite touchante par sa naïveté mais également par sa volonté de ne pas laisser le désespoir la gagner en découvrant les intentions de sa belle-mère ou parvenant à être autoritaire de manière ferme mais juste envers les habitants d'un logis dans lequel elle n'était, au départ, que leur invitée.

Richard Francœur en Prof, Raymond Rognoni en Joyeux (et Henry Tallourd pour le chant), Jean Daurand en Atchoum (et Claude Germain pour le chant), Maurice Nasil en Timide, Georges Hubert en Dormeur et Léonce Corne en Grincheux sont tous parfaits.

_Non, je n'ai pas oublié Simplet. Et pour cause: il est muet._

De plus, même les rôles plus secondaires comme le Miroir Magique, doublé par Serge Nadaud, ou le Chasseur, doublé par André Valmy, sont marquants puisque le film fait tout pour rendre ses personnages vivants et authentiques dans leurs intentions. Plus particulièrement le Miroir Magique étant une entité terrifiante par son ton restant neutre en toute circonstances. Y compris pour parler d'un coeur de biche enfermé dans un écrin.

En ce qui concerne le Prince, il est limité à un love-interest apparaissant tellement peu que c'est également Léonce Corne qui fait sa voix.

Mais la meilleure voix n'est autre que celle de la Reine puisqu'il s'agit de nulle autre que Claude Gensac, actrice célèbre pour sa riche carrière cinématographique.

_Je vous invite à jeter un coup d'oeil à sa filmographie_

Cette horrible Reine est bien loin de faire partie des méchantes Disney qu'on adore détester comme Maléfique ou Ursula parce qu'elles sont tantôt amusantes, tantôt terrifiantes. Imposante, menaçante, froide et glaciale. Ce personnage a traumatisé bien plus d'une génération d'enfants.

De plus, Claude Gensac la rend imperturbable et théâtrale y compris dans les moments où elle retient sa colère au point qu'on ne peut que la craindre. En gros, une méchante digne de ce nom.

Par contre, lorsqu'on passe à la deuxième apparence du personnage, à savoir la sorcière, elle devient ridicule et risible. Déjà, elle est un cliché digne de la sorcière Carabosse: vieille, bossue, ayant un nez crochu...Mais de plus, sa voix française, Marie Francey, lui fait plus avoir une voix de vieille dame trop bienveillante plutôt que celle d'une véritable voix de sorcière dangereuse à craindre.

Dommage.

Un autre défaut (en dehors des aspects problématiques) est que le film a du mal à mener correctement son fil rouge étant donné que des passages cartoonesques retardent la progression de l'histoire et n'ont pas leur place dans un film n'étant pas censé être un cartoon déjanté de Mickey Mouse mais un film avec une intrigue sérieuse.

Tout ça pour dire que ce n'est pas parce qu'une oeuvre contient des aspects problématiques qu'elle doit forcément être méprisée. Et cela pour plusieurs raisons.

Les plus jeunes n'y voient pas forcément les aspects problématiques mais plutôt des images marquantes provoquant des émotions ainsi que personnages amusants, haut en couleurs et charismatiques étant restés dans les mémoires (au point d'avoir été dans des jeux-vidéos Disney dérivés).

Après, il est tout à fait compréhensible que de nombreuses mères rejettent un film sexiste et ne veulent pas transmettre des idées rétrogrades à leurs enfants. En effet, beaucoup préfèrent faire découvrir Mulan ou encore Rebelle à leurs petites filles Mulan et Mérida étant des symboles de force et d'indépendance luttant contre les injustices qu'on impose aux femmes.

Sans compter le fait que, loin de tyranniser la figure maternelle de l'histoire, Rebelle montre des mésententes mère-fille plus véridiques où la mère n'est pas diabolisée et doit apprendre à mieux comprendre sa fille tout comme celle-ci doit apprendre à respecter sa mère ne cherchant pas à faire régner une quelconque terreur mais étant simplement dans l'erreur.

Pour en revenir à Blanche-Neige et les Sept Nains, s'il est vrai qu'il a mal vieilli, il ne faut pas oublier qu'il a été le précurseur des 'Grands Classiques Disney' et que, sans lui, il n'existerait pas les autres 'Classiques' que nous aimons tant aujourd'hui.

De plus, même les oeuvres les plus anciennes peuvent devenir plus actuelles à travers des réécritures. Notamment Miroir, miroir de Serena Valentino ayant inventé un background à la Reine et montrant que les rivalités entre femmes peuvent être dues à des actes d'oppression masculines.

Bref, vous seules/seuls pouvez décider de (re)voir ou montrer Blanche-Neige et les Sept Nains à des gens que vous connaissez ou de privilégier des oeuvres que vous jugez plus en rapport à l'époque actuelle que ce film daté.

Mais sachez que si vous voulez montrer un vieux film qui a passé l'épreuve du temps car ne transmets pas des valeurs discutables, regardez plutôt Alice au Pays des Merveilles cherchant avant tout à raconter une histoire et non pas à transmettre des idées erronées.

Tout ça pour dire que le choix vous appartient.

Et maintenant, avant de clore cette critique, je tiens à dire ceci aux femmes. Contrairement à ce prétend le film (et le conte), la beauté n'est pas objective et les femmes n'ont pas à se limiter à leurs apparences. Si les femmes ne se limitaient qu'à leurs beautés, Blanche-Neige deviendrait comme sa belle-mère en vieillissant.

La preuve https://www.youtube.com/watch?v=2_lL3_GC_7k

Contrairement aux idées reçues, nous sommes toutes belles à nos manières à n'importe quel âge. De plus, nous devons montrer que nous ne sommes pas juste belles mais que nous avons des personnalités, des goûts, des opinions...Bref, s'affirmer en tant que personnes et prouver que nous ne sommes pas des poupées.

Parlons également des mères et des filles (encore toutes mes excuses à celles qui ont grandi sans mères et/ou figures maternelles).

Certes, il existe des mères (et des pères) irresponsables et monstrueuses (et monstrueux) n'étant pas dignes d'être des parents dans la réalité.

Mais sachez, mesdames, que, pour la plupart d'entre nous, nos mères ne nous voient pas comme de dangereuses rivales à éliminer.

Au contraire, nos mères sont, généralement, bienveillantes et aimantes se démenant pour que nous soyons heureuses et épanouies et prenant soin de nous.

Croyez-moi, si on devait comparer des mères Disney à des mères réelles, nos mères sont davantage proches de madames Djumbo, mères de Bambi (oui c'est bizarre de dire comme ça mais elle n'a pas de nom) ou encore Kala et non pas d'horribles marâtres voulant nous faire souffrir gratuitement comme les Reines/Sorcières et les Lady Tremaine.

Et sachez également, si vous êtes mères de petites filles, que c'est à vous de leur faire comprendre que vous n'êtes pas d'horribles marâtres en leur apprenant à faire la différence entre fiction et réalité et en montrant que vous ne voulez que leurs biens.

Sur ce, mesdames (et messieurs), je vous laisse méditer.

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le 6 janv. 2024

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