Il y a d’abord la volonté refoulée de s’extraire du cocon familial. Bliss vit dans une famille modeste, n’a que très peu de libertés, entre le lycée et son petit boulot qui lui permettra de payer ses études. Elle a 17 ans. Cette extraction instantanée (une révélation un jour dans un magasin) va être poussée à son paroxysme en remplaçant ni une ni deux sa réussite scolaire et ses concours de beauté si chers à sa mère par le derby roller. Inutile de préciser que cela se fera dans un premier temps dans le plus grand des secrets. Secrets qui visent à être détruits un moment donné à cause du problème de l’âge – Pour participer aux tournois il faut être majeur. Exceptionnellement Bliss aura donc 22 ans. Mensonge qui n’entre pas en phase non plus avec son éducation. Nouvelle extraction. Une fois que l’on atterrit dans ce monde bien à part, où les coachs ont des shorts en jean car il n’y a qu’ça de vrai, où le but est de se chambrer en permanence et de s’éclater, le film prend une tournure essentiellement basée sur l’importance du rythme. Les séquences de rollers ne sont pas spécialement bien orchestrées, on attend d’être véritablement embarqués, même si le montage épileptique offre bien cette sensation de vitesse d’une piste ovale. On ne comprend pas vraiment les règles, si ce n’est qu’il faut attaquer, dépasser ses adversaires pour gagner des points, que l’on a le droit de jouer des coudes, que c’est même recommandé, que faire la technique du coup de fouet – d’où le titre original – vous propulse souvent jusqu’à la victoire.

Bliss est un film d’actrices. D’actrices casse-cou que l’on pourrait voir chez Cameron : Juliette Lewis (les traits vieillis mais toujours au taquet), Zoe Bell (la cascadeuse de Boulevard de la mort), Drew Barrymore et bien d’autres. Pour autant on y évoque les hommes. Quand la femme encaisse et prend des coups ici, l’homme lui est très sensible. C’est un père qui pour préserver son couple fait croire à sa femme qu’il travaille dur pendant qu’il regarde un match de football. C’est un garçon qui cache une attirance profonde par un besoin d’autorité. C’est un présentateur aussi beauf que touchant. On aimerait que la réalisatrice s’y penche davantage mais on va s’en contenter. Parce qu’avant tout c’est Bliss qui nous intéresse. Dans sa découverte sexuelle, elle croit découvrir l’amour. Finalement ce plaisir sexuel sera celui de la piste. J’irai même jusqu’à penser que Bliss, que l’on appelle maintenant Baby Ruthless, dans son évolution nouvelle, ressent une attirance sexuelle féminine qu’elle ne peut pour le moment définir, cela n’entrant pas dans le cadre de son éducation sclérosée. Quelque chose d’étrange se passe entre elle et la Madone, comme si l’une cherchait l’autre et vice-versa. Pas étonnant qu’elles occupent le même poste sur la piste. A la fin l’une aura gagnée mais l’autre aura réussit une figure incroyable. La gagnante la félicitera. La perdante lui dira que si elle le désire elle pourra lui apprendre. Les deux derniers regards qu’elles se lancent en disent longs sur leurs sentiments.

Bliss est un film cool, très à l’image de Drew Barrymore d’ailleurs, qui s’est octroyé le rôle d’une cinglée, sorte de clown de la bande, qui arrive toujours en retard, se fait expulser à chaque match, frappe son mec pour le saluer, oui sorte de jackass sur patins. Elle est hilarante. On y retrouve donc notre joli couple de Fever pitch, des Farelly, qui ont tous deux ici des rôles secondaires, mais très important. Jimmy Fallon ayant troqué sa passion du base-ball pour celle de présentateur de derby roller féminin, bavard, pervers et déjanté. Car Bliss est un film qui donne envie de chausser les rollers. Les bleus ne foutent même plus la trouille. Finalement c’est un film qui dit qu’il faut s’extasier, se trouver, recevoir des coups mais ne pas s’enfermer dans un climat que l’on assume pas – la copine par exemple. La mère assume cela. Le film ne le remet jamais en cause, même à la fin. Il dit juste que parfois les chiens peuvent faire des chats, et qu’il faut vivre au gré de ses envies avant tout.
JanosValuska
6
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le 20 déc. 2014

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JanosValuska

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