Blonde
5.8
Blonde

Film de Andrew Dominik (2022)

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L'histoire d'une femme usée par la souffrance

Blonde est un film qui vaut le détour. Aucune idée de si c'est une grande oeuvre ou non, aucune idée de si la biographie de Marilyn Monroe est respectée à la lettre ou non. Mais, très honnêtement, on se moque un peu de tout ça.

Le film présente, narrativement, une structure un peu décousue faite de non-dits et de suppositions : c'est le spectateur lui-même qui doit deviner certaines scènes qui ne sont pas montrées, tout ne lui est pas servi sur un plateau et c'est assez agréable, car ça surprend. Je connais mal le travail du réalisateur, je ne sais donc pas s'il est habitué à ce genre de choses, mais ça donne envie de voir davantage de sa filmographie, notamment L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford.

Monroe apparaît comme une femme sensible et intelligente (surprenant même Arthur Miller (Adrien Brody) par la lecture qu'elle fait de sa pièce et le lien qu'elle comprend avec l'oeuvre de Tchekhov) mais qui n'est jamais comprise, constamment prise pour une idiote ou presque à cause de sa beauté, car elle n'est vue et entendue que par cette dernière. Dans la première moitié du film, elle est présentée effectivement comme une idiote qui parle comme une idiote, mais le film (et, par extension certainement, le livre) laisse comprendre que les traumas de l'enfance de l'actrice (l'absence du père, les sévices de la mère, l'abandon à l'orphelinat) et les traumas de l'âge adulte sont pour beaucoup dans son incapacité à s'adapter à la vie en société, aux relations amoureuses, à son métier.

Et puis c'est long, mais c'est bien, car cela laisse le temps au réalisateur et aux acteurs de montrer ce qu'ils ont à montrer car il y a une véritable proposition, qu'elle soit narrative ou visuelle, car le film est très beau : le mélange entre les scènes en noir et blanc et les scènes en couleur me semble très pertinent, bien qu'on ne comprenne pas à chaque fois l'intention derrière chacun de ces changements.

On comprend bien que Marilyn Monroe n'est vue que par son potentiel sexuel et qu'elle est souvent dépassée par l'image qu'elle dégage et que l'on a créée pour elle. A noter donc les scènes de sexe presque toutes horribles qui sont la manifestation d'une sorte de dégoût ressenti tant par l'actrice que par le spectateur (notamment la scène avec le président, vers la fin). Toutefois, l'on peut regretter la trop grande présence de scènes de nus qui masquent un peu l'ensemble sans le gâcher pour autant. On aurait pu s'en passer.

En bref, on peut dire que c'est un film intéressant dont la proposition est pertinente. On se rend compte à quel point Marilyn Monroe est devenue un véritable personnage, voire un archétype, au point de pouvoir romancer et modifier sa vie de toutes les façons. Ce film est davantage une oeuvre sur la narration, le lien entre fiction et réalité, la beauté de la littérature et de la glose que sur Marilyn Monroe elle-même.

S'il restera dans les mémoires, personne ne peut le savoir, mais je sais une chose : grâce à ce visionnage, j'ai envie de lire ou relire Joyce Carol Oates, Arthur Miller et même Anton Tchekhov et ça, c'est déjà très bien.

Foncez et faites-vous votre propre avis.

Jean-Lett
7
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le 2 oct. 2022

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Jean Lett

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