Le Fou d'Elsa
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Le Fou d'Elsa

livre de Louis Aragon (1963)

Comment Le Fou d'Elsa est devenu mon livre préféré

Tout a commencé il y a quelques mois. Mon obsession d'Aragon arrivait doucement, je la sentais, cachée au fond de moi. J'ai acheté Le Fou d'Elsa en même temps que Les Adieux du même auteur, cherchant à tout prix à poursuivre l'expérience commencée avec Elsa, premier et seul recueil que j'avais lu de ce poète. Je recherchais des poèmes d'amour, des poèmes évoquant la tendresse et les plus forts des sentiments : j'ai d'abord été déçu. Je ne savais pas que Le Fou d'Elsa est notamment un récit de la prise de Grenade en 1492, événement historique s'il en est. Je ne comprenais pas : avec un titre pareil, que pouvait écrire Aragon, sinon des poèmes d'amour ? Alors j'ai laissé tomber. Un temps.

Je l'ai repris il y a quelques semaines, une fois que j'étais pleinement entré dans ma folie Aragon et que je voulais découvrir ce qui se cachait dans ce livre de cinq-cents pages ; et je suis arrivé à la section des « Chants du Medjnoûn ». Ce Medjnoûn, qui signifie « Fou » en français, est amoureux d’une femme qui — on le comprend peu à peu — n’existe pas, ou du moins pas encore : il chante Elsa, l’Elsa d’Aragon, Aragon qui parle à travers ce fou et qui est ce Fou. Ainsi, l’on comprend ce qu’on lit : un récit historique, mystique, religieux, mais aussi amoureux, passionné, enchanteur. Tout se mêle pour qu’Aragon puisse exprimer son amour pour Elsa.

On découvre des pages de vers et de prose d’une virtuosité improbable, même pour qui connaît déjà l’auteur. On se perd dans le vrai, dans le faux, dans la réalité et le mensonge mêlés, dans le récit du Medjnoûn et dans celui de Zaïd, son serviteur, dans les différents personnages historiques : Boabdil, les vizirs, etc. ; on se perd aussi dans les différentes images d’Elsa : la vraie, la « fausse », les rêves et la vraie vie. On lit aussi bien des vers libres que des vers syllabiques magistralement écrits et travaillés, de la prose poétique, des extraits du journal de certains des personnages, de la prose historique. Bref, Aragon excelle en tout.

Comme l’écrit si justement le poète : « Tout ce qu’on ne dit pas retombe sur le monde », aussi faut-il dire son amour, aussi faut-il exprimer nos sentiments et dire à celles et ceux qu’on aime qu’on les aime.

Louis Aragon invente un langage nouveau pour chanter la femme de sa vie et nous avons la chance de pouvoir lire ces mots si intimes qui deviennent universels au possible.

J’ai hâte de poursuivre ma découverte de ce poète qui détrône absolument tout le reste, au point de faire du Fou d’Elsa mon livre préféré devant Les Deux Etendards, La Recherche, Ulysse, Une saison en enfer et tout le reste.

Créée

le 19 févr. 2023

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Jean Lett

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