Para-no more
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le 19 avr. 2011
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Nous sommes en 1993, l'Amérique sort tout juste de l'ère Reagan, et de sa pathétique tentative de relancer une Guerre Froide devenue moribonde. Dans le but de retrouver un semblant de prestige pour la nation. Au lendemain de la chute de l'U.R.S.S., le pays se retrouve première puissance mondiale. Doté d'un arsenal énorme et d'une capacité de frappe militaire incroyable (en cas de conflit l'armée peut intervenir partout dans le monde en moins d'une heure), le problème est que les États-Unis n'ont plus d'ennemis bien identifiés. Ils s'octroient dès lors le rôle de Gendarmes du monde.
Le début des années 1990 pour l'Amérique, c'est un peu la gueule de bois, les excès de l'ère Reagan ayant laissés quelques traces. Si les riches sont plus riches, les pauvres sont aussi plus pauvres. Mais surtout, ils sont plus nombreux. Le pays connaît un remous social d'envergure, provoquant une véritable atmosphère de guerre civile. Comme lors des émeutes de Los Angeles en 1992.
Cette troisième adaptation de "The Body Snatchers", mis en scène par Abel Ferrara, évoque la faillite d'un modèle américain, qui depuis la Seconde Guerre mondiale s'est solidifié en contradiction avec le bloc communiste. Reprenant l'arc narratif, basé sur la trame principale du roman, il éclate cependant les points de vues entre plusieurs personnages. Si toutes les péripéties sont ainsi présentes, elles sont partagées entre les différents protagonistes.
De plus, l'action est déplacée dans une base militaire, donnant intelligemment au récit une nature de huis-clos. Fini la petite ou la grande ville, cette fois ça se déroule au cœur d'une institution, censée être garante de la sécurité de la nation, de ses valeurs et de ses traditions. Or, c'est de là que le danger arrive.
Si il est bien une institution déshumanisée, où l'individualité est réduite à néant, faisant de l'être humain une fonction périssable, c'est bien l'armée. Ainsi la thématique des "Body Snatchers" est repoussée aux confins des réflexions possibles qu'offre un tel sujet, pour faire un parallèle glaçant avec notre propre contemporanéité. Je vous renvois à la dernière campagne de recrutement pour l'armée française en date, et son slogan qui fait froid dans le dos : "Sortez du lot pour entrer dans le rang".
On ne pourrait trouver meilleure accroche pour vendre "The Body-Snatchers" version 1993. Et pourtant le film fait échos aux multiples interventions militaires américaines au cours des années 1980, et l'ingérence en Amérique Latine et au Moyen-Orient, afin d'aller y imposer un modèle de société.
Interventions qui connaissent un point d'orgue avec l'absurde guerre du Golfe en 1991, sous l'administration Bush. À laquelle il est directement fait référence dans le film de Ferrara, véritable pamphlet anti-militariste, mais non pas pacifiste pour autant.
Je ne connais pas bien la filmographie de ce réalisateur, je crois même que c'est le premier film que je vois de lui. Ne le connaissant qu'au travers de sa réputation sulfureuse. Et le film semble avoir souffert d'une post-production compliquée que traduit une courte durée, et des raccourcis dans le récit, qui ressemblent à des coupes aléatoires.
Toujours est-il que l'atmosphère est magnifiquement dosée, et les séquences gore sont plutôt surprenantes, directes et très crus. Et si il y a quelques ratés, tout est oublié par un plan final des plus glaçants, qui à l'image des Body-Snatchers est dénué d'émotions, et laisse peu d'espoir à l'avenir de la race humaine, telle qu'on la connaît.
Petit film horrifique scénarisé par le génial Stuart Gordon (qui devait le réaliser avant de se faire remplacer avant le tournage) avec un propos corrosif, et des idées audacieuses (la transposition absolument parfaite en huis clos dans un camps militaires, et la multiplication des points de vues), cette version de 1993 offre un axe de réflexion pertinent sur les dérives de l'alliance industrialo-militaire. Celle-là même qui justifie des conflits sans réelles enjeux, autres qu'économiques. Sous couvert de défendre la Liberté, fer de lance d'une Amérique complétement en perdition. Et cela, 10 ans avant l'invasion de l'Irak par l'administration W. Bush. C'est pas ce qu'on appelle une œuvre visionnaire ?
-Stork._
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Créée
le 10 févr. 2020
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