Une version aseptisée mais une belle version

L'avantage de voir ce film un an après sa sortie, c'est que tout a déjà été dit, en bien comme en mal, dans ses incohérences comme dans ses qualités.
Alors oui j'ai parfois tiqué quand le propos etait simplifié (le processus de création des titres), edulcoré (on passe très vite sur les premières années et les trois premiers albums), aseptisé (ses frasques homos), et surtout chronologiquement chamboulé.

Surtout qu'en soi je ne comprends pas l'interet narratif de montrer à la tv le Rock in Rio 1985 en 1975, de placer la composition de "We will rock you" en 1980 au lieu de 1977, d'avancer la prise de conscience de sa maladie avant 1986, et encore moins de faire croire que le groupe a vraiment été séparé pendant la période "The works"...
Après, que des ficelles scénaristiques soient utilisées pour accélérer la biographie qui sinon aurait doublé la durée du show, je comprends tout à fait. Qu'on ne montre pas les détails les plus crus de la vie privée de Freddie aussi. Car ça reste un spectacle grand public, qui ne trahit pas le combo sur le fond.

Et en ça le pari est réussi, car malgré ces quelques incohérences qui n'auront été relevées que par les fans die hard et ne bousillent pas le métrage, faut pas non plus déconner, Singer propose un biopic d'une grande qualité générale.
A part un léger ventre mou durant la periode 1982-1984 on ne s'ennuie pas, il y a du rythme,de la sincérité, et beaucoup de passion(s). Toujours en gardant à l'esprit que le coté le plus trash de la rock'n drug attitude est sciemment atténuée, on pige bien la génèse du groupe, et à quel point ses musiciens n'ont pas voulu faire de compromis, croyant toujours etre spéciaux. "Des marginaux jouant pour des marginaux", comme il est dit lors du premier rendez vous important avec ce gars de la maison de disque.

L'essence de Queen est bien mise en avant, le génie et la volonté incroyable, voire butée de Mercury (pour imposer les 6 minutes de Bohemian, par exemple), le talent et l'intégrité des autres zicos, leur amour réciproque comme dans une famille non exempte de querelles mais soudée jusque dans les pires moments, et cette destinée hors du commun, les propulsant au firmament de la Musique avec un grand M.
A ce titre, le final au Live Aid est un concentré d'une des plus grandes prestations rock, une de celles qui ont fait la légende du combo et leur ont permis de faire un mythique tour des stades pour leur album suivant "A kind of magic".

Chapeau bas aux acteurs pour avoir permis aux spectateurs de vibrer au son de certaines de leurs classiques, car sans ces performances le film n'aurait été qu'un banal biopic sans saveur.
Pourtant je suis loin d'etre fan de Malek, mais là, c'est du très très beau boulot, il habite son Freddie, sans jamais en faire trop (enfin tout est relatif quand on parle de cet immense artiste exubérant), il est brillant et touchant.
Mais je crois que celui qui m'a le plus bluffé c'est l'acteur incarnant Brian May ! Son sosie physiquement, son jumeau dans le caractère et l'attitude placide, discret mais sachant toujours où il veut aller. Incroyable. Et rien à redire sur Taylor et Deacon, parfaits même si traités un peu en retrait.
Sans oublier ceux qui ont traversé leur carrière ou ont gravité dans leur orbite, les principales figures etant de la partie.

Une belle partition globale, c'est une certitude.

Et puis mention spéciale à un Mike Myers méconnaissable en boss de maison de disque, lançant au passage cette allusion à la légendaire scène du headbanging dans la Garthmobile au son de... "Bohemian Rhapsody" bien sur ! Une jolie manière de la part des membres restants de Queen de remercier quelque part "Wayne's world" d'avoir rebooster ce titre phare et le combo en 1992.