Bohemian Rhapsody par Blockhead

Bryan Singer («X-Men») signe une biographie conventionnelle d’une rock star qui ne l’était pas. Pas un poil de la moustache de Freddie ne dépasse. On pourrait s’en désoler, mais pas tant que ça : il y a la musique de Queen, qui électrise tout le film, de l’enregistrement du délirant «Bohemian Rapsody» jusqu’au concert de Wembley, comme si on y était. Surtout, Rami Malek livre bien plus qu’une performance : il réussit une interprétation délicate et émouvante de l’extravagant Mercury.

Clin D'œil :
Divergences artistiques, chaises musicales entre réalisateurs, dont Tom Hooper (Le Discours d’un roi) et David Fincher, valse des scénaristes… Il aura fallu sept ans pour que ce biopic voie le jour : un retour sur le groupe mythique, de la formation, en 1970, au « concert du siècle », le Live Aid, en 1985. Pour corser l’aventure, Brian May et Roger Taylor, guitariste et batteur de Queen, également coproducteurs, ont veillé scrupuleusement à ce qu’on n’écorne pas la légende. Ainsi, le (trop ?) truculent Sacha Baron Cohen a renoncé au projet en raison de désaccords profonds.

"Le personnage a une telle ampleur qu’il était impossible de refuser le rôle", confie le comédien. Révélé par la série Mr. Robot, cet acteur américain de 38 ans, d’origine égyptienne, y joue, teint pâle et capuche vissée sur la tête, un hacker asocial et névrosé. A priori, pas le gars qui prend la lumière. Erreur ! À l’écran, il est l’incarnation parfaite de l’extravagante rock star. "Je me suis vite senti connecté à l’homme. Comme lui, je suis fils d’immigrés (Freddie Mercury, de son vrai nom Farrokh Bulsara, est né à Zanzibar, a grandi en Inde, puis a suivi sa famille à Londres, ndlr), et j’ai dû, moi aussi, me battre contre les préjugés de mes parents, qui ne voulaient pas que je me lance dans une carrière artistique. Toute cette énergie qui brûle à l’intérieur et ne demande qu’à sortir, j’étais sûr de pouvoir la jouer."

Il a pris des cours de chant, de piano. Il a dû apprivoiser sa prothèse dentaire et perdre beaucoup de poids pour assurer les scènes de concerts, dont celui de Wembley, en 1985, reconstitué dans une séquence de plus de vingt minutes. "Je devais être dans une forme olympique. Freddie était très musclé." Quatre heures de travail quotidien avec une coach, durant quatre mois, lui ont permis de "marcher, danser, respirer comme Freddie Mercury".

We Will Rock You, Another One Bites the Dust, Under Pressure et le délirant Bohemian Rhapsody…, tous les hits du groupe britannique sont dans la bande originale, omniprésente. Rami Malek les a tous interprétés au moment du tournage afin de rendre le playback crédible. À sa sortie, en octobre 2018, le film, jugé édulcoré et truffé d’inexactitudes par la critique, a pourtant été plébiscité par le public (4 millions d’entrées en France, presqu’un milliard de dollars de recettes à l’international). Malek a été couronné d’un Oscar. Il avait confié : "J’aimais tellement être Mercury, que je n’avais pas envie de redevenir Malek." Depuis, the show must go on : l’acteur rempile pour une saison 4 de Mr.Robot.