Essai sur les formules de politesse et les concours de pets

On croit connaître l'œuvre d'un cinéaste... jusqu'au film qui change plus ou moins radicalement la donne. J'aime beaucoup ce genre de leçon indirecte de modestie, qui invite à la mesure, à la précaution, au jugement pondéré.


Je ne me base pas uniquement sur l'intrusion d'un concours de pets dans l'histoire, même si la chose à de quoi surprendre du côté d'un Ozu. On croit rêver, mais c'est en réalité traité avec une délicatesse remarquable (je n'aurais jamais cru écrire cela un jour, je ris en me relisant). Le seul autre film en couleur que j'avais vu étant Le Goût du saké, en 1962, qui faisait aussi penser à un drôle de Tati, mais plutôt dans l'univers esthétique coloré typique des années 60. Ici, ce serait en plus du côté de l'humour universel, presque muet. Le thème n'a rien de nouveau chez Ozu, on pourrait le résumer grossièrement au conflit des générations dans l'époque du progrès grandissant, et pourtant, le regard reste singulier.


L'opposition entre les générations jeune et ancienne n'est cependant pas le centre des enjeux à proprement parler : le point focal se fait plutôt sur l'obéissance et le respect aux adultes, du point de vue de l'enfant, un être détaché de nombre de conventions sociales (et accessoirement étranger à l'hypocrisie). D'un côté un univers pétri de formules de politesse orales, mécaniques et un peu vaines, donnant au film son titre, et de l'autre une enfance résolument libre, indépendante de ces codes. C'est grâce ou à travers leur révolte (la grève de la parole) que l'on prendra connaissance des commérages chez les adultes, des non-dits. Le silence des enfants sera mal interprété chez les voisins comme un signe négatif de la part des parents, qui leur en voudraient pour quelque raison que ce soit et qui auraient ainsi demandé à leurs enfants de ne plus leur adresser la parole.


L'insolence et la facétie des enfants fait un peu penser (avant tout parce que les deux films sont bons et sortis en 1959) au film de Truffaut, Les Quatre Cents Coups. La bêtise est captée avec bienveillance, l'enfance est retranscrite avec une grande tendresse (jusque dans ses flatulences), et l'entrée de la télévision dans les foyers n'est jamais jugée de manière unilatérale. Abrutissement des masses par-ci, source de rapprochement et de cohésion par-là. Chishû Ryû n'est pas très sollicité, pas du niveau de son interprétation dans Voyage à Tokyo et Le Goût du saké, mais on ne se plaint évidemment pas de sa présence.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bonjour-de-Yasujiro-Ozu-1959

Morrinson
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top films 1959, Réalisateurs de choix - Yasujirō Ozu, Arte : disponibilités et Cinéphilie obsessionnelle — 2018

Créée

le 26 juil. 2018

Critique lue 411 fois

15 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 411 fois

15

D'autres avis sur Bonjour

Bonjour
Docteur_Jivago
8

Main Basse sur la Télévision

Dans son postulat de base, Bonjour évoque forcément Gosses de Tokyo, où dans les deux cas on retrouve des gamins qui vont affronter leurs parents, allant jusqu'à la grève de la faim, sauf qu'ici...

le 9 sept. 2017

33 j'aime

8

Bonjour
Moizi
8

Hula Hoop de bonheur

Il me semble que j'ai vu mon dernier Ozu il y a plus de six ans suite à un film de lui que j'avais moyennement apprécié alors que j'avais adoré tous les autres et ça m'avait stoppé net dans mon élan...

le 7 nov. 2017

27 j'aime

Bonjour
Alexis_Bourdesien
7

Allez ! Tous Ozu de Beauval !

Malgré mon amour naissant pour le cinéma japonais, à part Kurosawa, je ne connais que peu la filmographie des plus grands réalisateurs nippons. Et Ozu en fait partie. Certes j’ai vu Voyage à Tokyo,...

le 3 mai 2014

27 j'aime

4

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11