SUNSET BOULEVARD - Billy Wilder (1950)
Monument à la gloire de Norma Desmond, Sunset boulevard surfe sur le crépuscule noir et blanc de la vie. L'actrice a été adulée, starifiée en silence, aimée, léchée, lâchée, abandonnée, oubliée par les mots. Elle est très riche de se voir si belle en ce miroir figé des instantanés de ses vingt ans encadrés dans le luxe de l'autre côté du miroir. Gloria Swanson magnifie une madone au regard lumineux fleurant l'expressionnisme allemand d'une Marlene Dietrich que seul son majordome et domestique peut illuminer. Pygmalion du passé, Erich von Stroheim est une fée du logis de la soumission à sa gloire passée. La belle et la bête. L'homme de fer à tout faire. La femme et le pantin. Le Bettencourt de la pellicule d'antan s'achète des illusions avec la naïveté d'une Cendrillon et la fermeté d'une Cruella de pacotille dans un manoir au charme exubérant. Le champagne coule à flot dans les rêves d'enfant sublimés par Billy Wilder au sommet de son art dans un Hollywood désenchanté. Un couple de vieux amants d'antan où le majordome joue à la poupée et l'étoile continue de briller à force d'être astiquée à grand renfort de lettres d'un admirateur unique. L'amour et la vénération sont magnifiés par un homme tombé du ciel. Le hasard et la nécessité. Elle veut acheter de l'amour, mais elle est une gloire passée. Elle a seulement 50 ans. Le réalisateur dépeint une fresque hollywoodienne digne des plus grands photographes. Horst P. Horst et Helmut Newton puiseraient dans ces fresques de la richesse aux griffes acérées et aux poignets remplis de bracelets. Le miroir aux alouettes tourne lentement entre les vautours avides de pourchasser l'artiste fauché de 1949 et la très jeune critique littéraire au nez de Cléopâtre. À Los Angeles, , tout le monde rêve d'être une star, mais la star authentique souffre de sa solitude. Elle n'a pas d'enfant et la piscine abandonnée symbolise les toiles d'araignée dans le cœur de la belle rêveuse égocentrique. Je m'aime et je n'aime que moi. Aimez-moi. Adorez-moi, mais je ferai de vous des objets agissant à ma guise.
Et vous prendrez plaisir à vous soumettre à mes caprices. Vous désirez être des objets subissant mes extravagances, mes saute d'humeur et mes volte-face? Êtes-vous prêts à abandonner vos rêves dans votre belle prison dorée pour pouvoir m'admirer ? S'échapper ? À quoi bon ? Pour se retrouver petit écrivain fauché dans un modeste meublé? La belle veut briller et la vie, dans sa grandeur, lui donnera l'occasion de briller une dernière fois avant de s'éteindre, triste flamme au-dessus d'une bougie consumée dans les regards de Cecil B. de Mille et des requins de Paramount.
Aujourd'hui, Norma serait influenceuse tatouée. Elle collectionnerait tweetos et followers, diffuserait ses vidéos sur YouTube, sur sa propre chaîne de télévision, animée par ses community managers. C'était quand même mieux avant. Un chef d'œuvre à conseiller aux jeunes et à tous ceux qui voudront (re)découvrir le charme des films en noir et blanc. À une époque où seule comptait la qualité. C'était il y a presque 75 ans. À voir et revoir jusqu'à épuisement. C'est un ordre!
Marseille, le 22-10-2018