Trémolos pour traits moisis

Qui aurait pu imaginer que le Peter Jackson de Braindead mènerait à bien, moins d'une décennie plus tard, un projet aussi radicalement opposé à celui-ci : le Seigneur des Anneaux ? Certainement bien peu de monde... hormis Peter Jackson lui-même !
Braindead est une immense farce bouffonne et bouffie, un tour de force éclatant réalisé par un jeune réalisateur aussi bon technicien que metteur en scène. Voilà ce que Jackson semble vouloir nous dire à travers son 3ème long-métrage : "Regardez tout ce que je suis capable de faire".

Premier élément : le son. Le film regorge de bruitages tous plus dégueulasses les uns que les autres : du sang, des tripes, des bruits de crocs, de pisse... Rien n'est suffisant, que ce soit pour accompagner le gore des massacres zombies ou simplement un oncle beauf en train de se soulager. Ce n'est probablement pas le cas mais j'ai eu l'impression d'entendre un bruit différent à chaque attaque zombie.

Naturellement, le film est connu pour les torrents de sang qui y sont déversés mais ce sont surtout les maquillages des zombies qui marquent la rétine. Liquides purulents et autres plaies à vomir sont au rendez-vous, à chaque instant. Bien qu'elles ne soient pas toujours parfaitement crédibles, les diverses marionnettes monstrueuses répugnent parfaitement, que ce soit au début avec cette marionnette de rat-singe zombie très Feebles ou dans le dernier tiers du film quand un bébé zombie ignoble arrive à nous rendre justifiable l'infanticide au mixeur.

Jackson remplit son métrage d'idées délirantes qui parviennent à repousser toujours plus loin les limites de l'horreur bouffonne et ce, quasiment sans interruption, du début à la fin. Bras coupés, jambes dévorées, crâne encastré dans le mur et transformé en lampe façon Hélios God of War, le film est bourré d'effets artisanaux assumés et gourmands.

Bien entendu, Jackson appuie tout ce travail technique dingue par une mise en scène outrancière : dutch angles, gros plans déformants, dolly zoom (un seul, je crois) ou encore caméra à l'épaule pour les scènes de tension... Il ne se refuse rien et je ne crois pas avoir vu un metteur en scène prendre visiblement autant de plaisir. Le film transpire littéralement la jouissance de son réalisateur !

Côté scénario, on touche peut-être à ce que le film a de plus conventionnel même si son sous-texte est aussi clair que parfaitement mené. Les personnages sont volontairement caricaturaux : Paquita la latina radicalement superstitieuse, la mère possessive et jalouse, l'oncle giga-beauf avide d'héritage et sournois et bien sûr le fils-à-maman de faible caractère, lequel va avoir un arc à la progression limpide le transformant en héros. C'est bien simple, Lionel doit couper le cordon pour pouvoir vivre son idylle aussi niaise que sympathique avec une Paquita incroyablement patiente. Tous les moments illustrant cette relation amoureuse sont d'ailleurs accompagnés par une musique romantique qui contrebalance le zombisme et crée une ironie supplémentaire.

Enfin le film regorge de moments hystériquement drôles, parmi lesquels l'apparition du curé ceinture noire de taekwondo, venu tabasser des jeunes cons quasi-gratuitement :

I KICK ASS FOR GOD !

Braindead est un film excellemment excessif, qui aura servi de défouloir autant que de démonstration de force à un Peter Jackson dont la force restera d'adapter pleinement le ton de ses films à leur propos.