La Vengeance est à Moi est un film sur la médiocrité et le vice.
Long-métrage japonais sorti en 1979, il raconte la trajectoire d'Iwao Enokizu, dans le Japon du Miracle économique d'après-guerre.
Enokizu est un tueur psychopathe, roué, manipulateur et séducteur. Dès que la nécessité rencontre chez lui l'envie, il arnaque, viole, fait chanter, humilie et assassine d'une manière à la fois impitoyable et peu soignée, à travers un pays qu'il parcourt, en cavale. Naturellement, le film tente d'apporter une justification à ce caractère : l'humiliation vécue par son père pendant la guerre, en raison de sa foi chrétienne.
Mais l'essentiel se situe ailleurs... Enokizu est surtout un révélateur de vice. Sa présence fait étrangement ressortir les hypocrisies, les faiblesses et les lâchetés de la plupart des personnages qu'il sera amené à croiser au cours du récit : du vieillard nonchalant et alcoolique piégé de manière enfantine à la patronne d'hôtel de passe naïvement vénale qui court vainement les amants, en passant bien sûr par le père profondément hypocrite, qui n'attend que la mort de son fils et de sa femme pour assumer ses sentiments pour sa belle-fille.
La mise en scène suit ce fil rouge. Elle l'illustre froidement en plaçant les personnages dans des situations humiliantes et glauques. La violence est banale, la sexualité dérangeante, et même les simples discussions sont empreintes d'un arrière-plan sordide. Le tout dans des décors souvent exigus et sombres.
Un travail presque naturaliste a été effectué pour montrer une violence sourde, y compris au niveau sonore, où des bruits secs viennent ponctuer des agressions soudaines. Shohei Imamura fait le choix de ne rien sublimer, de manière à rendre encore plus palpable cette ambiance « des bas-fonds » de la société japonaise.
Enfin, la narration, bien que dé-structurée et non-chronologique, demeure parfaitement claire (hormis cette surprenante scène finale fortement symbolique, en freeze frames mais cela semble voulu pour créer un décalage). Elle atteint son but : montrer que le protagoniste ne connaît ni décadence, ni rédemption, qu'il est mauvais du début à la fin, sans nuance. Le parallèle avec le Malin, compte-tenu notamment d'un arrière-plan chrétien adroitement induit, me semble dès lors plutôt logique.
Cette cohérence de ton fait de La Vengeance est à Moi un long-métrage atypique, particulièrement réussi et étrangement... agréable !