Madrid, 2010, à quelques jours de la Coupe du Monde. Réputé pour ses capacités intellectuelles hors-normes, le jeune étudiant Thomas Laybrick (Freddie Highmore) est contacté par le riche Walter Moreland (Liam Cunningham) pour un service un peu particulier. S’étant fait confisquer par l’Etat espagnol un trésor qu’il avait trouvé dans ses eaux, Moreland planifie en effet d’aller le chercher là où il est : enfermé dans le coffre-fort le plus sécurisé du monde…


Aujourd'hui, quand on fait un film de casse, on a deux choix : soit on essaye d'être le plus cool et le plus original possible, et on pond un scénario absurde et ridicule à la Insaisissables, soit on assume que son film ne sera pas original, mais en échange, on essaye d'agencer des pièces déjà connues par le spectateur de manière à atteindre un niveau d'efficacité optimal.
Clairement, Jaume Balagueró a fait le deuxième choix, et le bon. Evidemment, ceux qui veulent de l'originalité à tout prix feront bien de passer leur chemin, mais ceux qui cherchent un bon film sans prétention, mais bien ficelé et fait avec passion et professionnalisme y trouveront leur compte. Même si dans les détails, Way down réussit à se distinguer un minimum des autres films de casse, son scénario n'a rien de novateur du tout, et aucun twist ne nous fera tomber de notre chaise, puisqu'on les a déjà vus ailleurs (en mieux ou en moins bien, selon les films).


En revanche, Balagueró compense son absence consciente d'originalité par une écriture d'une extrême rigueur. Evidemment, il y aura quelques trous et facilités scénaristiques, souvent inhérents au genre, mais dans l'ensemble, la mécanique du film témoigne d'une belle cohérence.
Un premier point très appréciable est le fait que Balagueró joue constamment cartes sur table. Sauf un élément qu'il nous cache pour avoir un semblant de twist à nous proposer à la fin (sinon prévisible, peu surprenant, sauf pour quelqu'un qui n'aurait jamais vu un film de casse), tous les éléments servant au plan des cambrioleurs nous sont montrés auparavant dans le film, premier signe d’un vrai soin apporté à l’écriture du film. Cela permet de conférer à Way down une dimension ludique très appréciable, donnant l’impression d’un puzzle qui s’assemble peu à peu sous nos yeux.
Un deuxième point très appréciable, c’est l'équilibre entre les personnages, qui est vraiment remarquable. C'est souvent plus ou moins le cas dans ces films, mais là, c'est vraiment très bien équilibré. Chaque personnage révèle pleinement son utilité à un moment ou à un autre, mais ce qui est surtout bien pensé, c’est que chacun a droit à sa scène où le sort des autres personnages repose sur ses épaules. Aucun personnage n'est là pour décorer (même si Liam Cunningham aurait pu être mieux rentabilisé) et c'est vraiment bien vu. Et comme le casting est brillant, l'absence totale de background des personnages (encore un bon point) permet de mieux goûter les prestations excellentes de chacun des acteurs.
Avec ça, le génie de mise en scène de Balagueró fait toujours merveille, et même si la photographie est belle, ici, c'est surtout l'intelligence du montage qui frappe. Le style de Balagueró est décidément aussi intense quand il filme des braqueurs que des zombies, et certaines scènes témoignent d'une maîtrise absolument incroyable de la tension. C’est toujours classique, mais c’est toujours ultra-efficace.


Enfin, s’il y a une idée tout de même originale dans ce film, c’est le fait de mettre en parallèle le récit de ce casse avec le match Espagne/Afrique du Sud de finale de la Coupe du monde 2010. Tout cela permet à Balagueró de rendre hommage à son pays de la plus belle des manières, menant un double-discours futé et amusant sur la loyauté nationale, qui s'exerce de manière différente, et avec des conséquences différentes. C’est ainsi que les supporters sont discrètement mis en exergue d’un autre type de loyauté envers son pays, plus aveugle et plus lourdes en conséquences. Par exemple, le directeur de la sécurité de la banque, qui tient son rôle tellement à cœur qu’il en devient presque inhumain par moments, et se montre prêt à tous les excès.
Par le recours à ce contexte de Coupe du monde, Balagueró dresse également le portrait d'une Espagne toute entière unie autour d'une passion commune, donnant ainsi à son film une certaine vision qui l’élève de manière discrète mais sure. L'utilisation du match comme compte à rebours est une belle idée, mais Balagueró pousse la logique jusqu'au bout en donnant au match lui-même un rôle prédominant dans le climax déjà ultra-tendu, lors d'une scène aussi liquéfiante qu'enthousiasmante, peut-être un des meilleurs climax de la filmographie de son réalisateur.


Bien sûr, tout cela ne fait pas un chef-d’œuvre, mais un film de casse qui tire son épingle du jeu par la conscience qu'il a de ne rien proposer d'original sinon un hommage sincère et plutôt touchant à une Espagne un peu idéalisée (c'est le jeu) et à la passion du foot en général. Balagueró exploite alors son récit non comme vecteur de surprise pour le spectateur, mais comme un formidable terrain de jeu pour jouer avec les nerfs de ses spectateurs.
On constatera néanmoins – seul véritable regret – que c'est le premier film dans sa carrière où Balagueró interrompt à ce point la réflexion sur la nature du Mal qui sous-tend tout le reste de sa filmographie. Ici, rien de tout ça, quelques vagues idées çà et là (notamment, donc, ces personnages qui poussent leur devoir à l'extrême, basculant dans une sorte de fanatisme provoqué par leur volonté aveugle de bien faire), mais aucune véritable réflexion de fond. Peut-être qu’en jouant davantage sur cette carte, Jaume Balagueró aurait pu revoir son ambition à la hausse et nous proposer, cette fois, un vrai petit chef-d’œuvre du genre.
En attendant, on n’aura pas de mal à se contenter de ce qui ressemble à une série B, mais une bonne série B de luxe, tout de même.

Tonto
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le 13 avr. 2021

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