- Dis grand-père, tu nous raconte une histoire de ciména ?
- Les enfants, vous savez que c'est interdit ! Et on dit ci-né-ma !
- Allez !! S'il te plaît !
- Et puis, vous savez bien, tout ce dont je me souvenais, je vous l'ai déjà raconté ! Quoique...
- Grand-père ?
- Il en reste bien un dont je ne vous ai jamais parlé... Mais je ne l'aimais pas...
- Pourquoi tu l'aimais pas ? Allez, on répètera rien à papa !
- Il s'appelait
Brazil... C'était le nom d'un pays à l'époque... Un grand et beau pays, même. Mais le film avait rien à voir, il était tout gris, avec des sales immeubles partout, et des hommes, à peine plus colorés, qui couraient partout comme des insectes. Déjà, ça, ça me plaisait pas. C'était trop dégueulasse, et puis ces bâtiments, un vrai labyrinthe de béton, on comprenait jamais où on était, quel étage, quelle rue, quel jour.
Et puis y avait cet homme, John, Sam, je sais plus, c'était peut-être Jack, peu importe. On ne savait pas d'où il venait, qui l'aimait, ce qu'il voulait... Je crois qu'il le savait pas lui-même. Tout le film suivait son histoire, mais on comprenait jamais ce qui lui arrivait, il se faisait réparer l'aération de son appartement et tout de suite après on la lui refoutait en l'air. Il refusait une promotion et passait une demi-heure a essayer de la ré-obtenir par la suite. Et puis après il foutait tout en l'air pour suivre une fille qu'il connaissait pas...
On comprenait jamais bien ce qu'il faisait, ce qu'il comptait faire, et lui non plus devait pas bien voir de sens dans ce qui lui arrivait... Peut-être qu'y en avait pas, de sens, faut dire qu'il se faisait un peu balader le pauvre... Enfin, il y avait bien quelque chose, si seulement je m'en rappelais ! ...
- Grand-père ?
- Allez, c'est l'heure d'aller vous coucher. Qu'est-ce que ça peut bien être ! J'ai oublié...





L'espoir.





L'espoir ne fait pas vivre mais l'espoir fait l'homme, et à ce titre bien peu de personnages du film sont humains. La plupart sont comme ces paysages dévastés masqués par des panneaux publicitaires, des façades d'homme masquant un cœur de robot. Comme des robots, la population travaille, consomme, dort, et exclut tout ce qui s'écarterait de ce comportement. Le système de Brazil n'a pas besoin d'un leader, d'un Big Brother ; la population l'auto-entretient. C'est pratique, et le parallèle doit être fait (et a déjà été fait) avec notre monde.


En vérité, une différence majeure sépare notre monde de celui de Brazil, et le séparera, il faut l'espérer, toujours. Chaque être humain est capable d'espoir, de rêve, d'art et d'utopie. La vie n'a pas de sens (cf The Meaning of Life du même Gilliam avec les Monty Python) mais nous lui en donnons un, et l’espérons toujours meilleure.


C'est, je pense, ce que la chanson Brazil symbolise, toute en riffs bossa et sifflements, apportant un soleil, ses cocotiers et même une tranche d'amour à la dérobée, si déplacés dans ce règne de tristesse et de grisaille. Dans cette contrée où les hommes ont cessé de chanter leur espoir et de siffler leur joie il y a bien longtemps...


C'est la raison qui fait que Sam Lowry apparaît inadapté au système : il rêve et espère, il agit de façon irrationnelle. C'est la raison pour laquelle ce film est si dérangeant : le seul homme à agir d'une façon qui nous parle, est condamné à l'échec dans un film où même les opposants font partie du système.


Dès lors la fin du film est peut-être, finalement et après tout, une happy end, puisque Sam réussit à rester humain jusqu'au bout, lui qu'on voulait transformer en fourmi, en robot.


Je voulais finir par quelques citations parce que d'autres disent quand-même les chose bien mieux que moi :
Un jour où on proposa à Churchill de couper dans les dépenses culturelles pour financer l'effort de guerre :



Then what would we be fighting for?






What BRAZIL is really about is that the system isn't great leaders, great machinating people controlling it all. It's each person performing their job as one little cog in this thing and Sam chooses to stay a little cog and ultimately he pays the price for that. Terry Gilliam






Can one make a film where the happy ending is a man going insane? Terry Gilliam






Because I dislike being quoted I lie almost constantly when talking about my work. Terry Gilliam


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le 11 mars 2015

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Nordkapp

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