Pourquoi je n'aime pas le cinéma de Rian Johnson.

Cela fait un moment que je me questionne sur ce réalisateur sans totalement réussir à mettre le doigt sur ce qui me dérange et sans avoir la lucidité d'en tirer la conclusion qui s'impose, à savoir que je n'aime pas les films de Rian Johnson et je vais même aller plus loin : son œuvre résume à elle seule tout un pan de cinéma qui m'emmerde profondément.


Mes souvenirs de Looper sont flous mais je crois me rappeler d'un film qui paraissait bien plus puissant sur le papier qu'il ne l'était une fois projeté sur grand écran. Un concept fort mais des personnages mal écrits et beaucoup de facilités scénaristiques. Je ne m'aventure pas plus loin parce cette œuvre n'est pas assez fraîche dans ma tête. Et puis, je n'avais pas du tout détesté l'expérience. J'en étais simplement sorti légèrement frustré.


Comme l'ensemble de la planète cinéphile, j'apprends que Rian Johnson s'attaquera à l'épisode 8 de la nouvelle trilogie Star Wars, soit l'épisode-charnière. Je ne sais pas quoi penser de cette nouvelle. Je crois que j'aurais vraiment aimé un seul réalisateur (et la même équipe de scénaristes) pour les trois films mais je ne pars pas défaitiste pour autant. Petite parenthèse qui me semble importante : je suis un immense fan de Star Wars et ma passion pour cet univers est préexistante à mon amour du cinéma. Ce n'est pas peu dire que j'attends le créateur de Brick au tournant.


Résultat des courses : une catastrophe qui réussit le tour de force de réhabiliter quelque peu la prélogie de Lucas. Le film viole la saga dans les grandes largeurs, prenant des "libertés" à la fois avec le début de la nouvelle trilogie (problématique : je développe ce point en 1, ci-dessous) mais aussi et surtout avec l'ensemble de l'univers de la guerre des étoiles (dramatique : autre méfait que j'aborde plus longuement en 2, ci-après).


1) Tout est écrit en dépit du bon sens. Les quelques excellentes idées de l'épisode 7 sont balayées (Finn entièrement sacrifié dans une quête secondaire dégueulasse et sans envergure, par exemple). Le grand méchant disparaît encore plus vite qu'il n'était apparu (le personnage de Snoke était pas bien brillant, certes …) et ce retournement de situation donne l'impression de voir un réalisateur improviser totalement la suite de l'histoire racontée, qui ne brillait pas vraiment par son originalité (reproche fait très régulièrement à l'épisode introductif « The force awakens ») mais avait le mérite d'une certaine cohérence et crédibilité. Et on apprend rien de nouveau des protagonistes puisque la place qui devrait être dévolue à leur développement sert ici à multiplier les rebondissements plus artificiels les uns que les autres (voir l'utilisation de l'arc Poe/Laura Dern, en roue libre complète alors que j'adore l'actrice en temps normal …).


2) Les «audaces» ne collent absolument pas avec ce qui avait été montré à l'écran sur les sept précédents films de la saga (Leia qui plane dans l'espace OKLM, Luke qui nous fait un remake des hologrammes de Mélenchon pendant tout un combat mais également lors des retrouvailles avec sa soeur). J'imagine que certains fans hardcore de l'univers étendu Star Wars pourront trouver des moyens de défendre ce qui a été proposé ici. Mais de mon côté, je considère que cette saga s'articule avant toute chose autour de la merveilleuse trilogie originelle. Si tu veux rajouter des éléments surnaturels jamais présentés jusqu'alors, il faut les introduire proprement et que le gap ne paraisse pas trop important et complètement hors de propos.


Je suis probablement téméraire mais malgré ma déception immense, j'avais envie de laisser une autre chance à Johnson. Surtout que son film A couteaux tirés abordait un genre cinématographique très différent de celui cher à mon cœur. Exit les sabres lasers, la force et le space opera, bonjour le Whodunit et l'ambiance cluedo. Malgré mon visionnage très récent, j'ai l'impression d'avoir vu le film y a 5 ans tant il est déjà anecdotique en comparaison avec toutes les belles œuvres que j'ai pu découvrir sur la période. Même problème que d'habitude selon moi : le réalisateur est plus intéressé par le fait de surprendre que par l'idée de raconter quelque chose. Il y a des incohérences/invraisemblances (on pourrait discuter de la différence ténue entre les deux mots) en pagaille, une originalité artificielle et des personnages mal écrits. Surtout, A couteaux tirés est à des années-lumière des meilleurs films du genre Whodunit (déjà pas un sous-genre ciné qui me passionne des masses au départ …) dont il se targue de rendre hommage tout en détournant quelque peu les codes. Je le précise parce que ça n'est pas forcément évident en lisant mes dernières lignes : je n'ai pas trouvé ça mauvais. Knives Out m'a juste semblé insignifiant.


On en arrive enfin au premier film de la carrière de Rian Johnson, la raison pour laquelle les quelques personnes égarées sur cette critique sont venues jeter un œil. Je vais commencer par le positif parce que le mec n'est pas un peintre non plus, ce serait malhonnête que de l'affirmer. Il est parfois capable de plans particulièrement cinégéniques et ce qui était le cas dans Brick (magnifique scène d'exécution, je vous prie de m'excuser pour cette formule maladroite) l'est aussi pour le reste de sa filmographie. Et à ma grande surprise, il peut aussi offrir des petites pointes d'humour qui ont rendu l'expérience d'hier soir un poil moins désagréable.


Le problème (ou les problèmes) est malheureusement le même que d'habitude : sous couvert de court-circuiter, parasiter, se réapproprier, détourner (je ne sais quel verbe vous conviendrait le mieux) un genre, Rian Johnson ne raconte rien. Ou si peu. Ou si mal. Il est bien plus intéressé par l'idée de surprendre pour surprendre, faire différent pour faire différent qu'il en oublie déjà qu'il n'est pas si original que ça, qu'il n'invente ou ne réinvente rien et que ses films sont assez creux puisque les personnages n'existent pas ou très mal et que le déroulé des intrigues est toujours retors pour pas grand-chose. Ou comment créer une complexité totalement factice en racontant mal une histoire simple comme bonjour. Et cette complexité totalement factice, elle pourrait être là pour raconter quelque chose ou proposer un exercice de style quelque peu atypique mais ce n'est pas vraiment le cas, à mon sens. Brick serait à ranger dans la catégorie des néo-noirs mais il n'en a jamais l'ampleur visuelle, scénaristique ou atmosphérique.


Si je devais résumer ce cinéma, je dirais que c'est du cinéma de p'tit malin. Un cinéma qui se gargarise de ses effets de manche bien plus qu'il ne se donne les moyens de raconter quelque chose ou à défaut, de créer une ambiance. Et si ça peut parfois marcher sur moi avec certains mecs autrement plus talentueux que Rian Johnson, ici je reste à la porte.
Que celui qui n'est pas d'accord avec moi me jette la première Brick.

Mattchupichu77
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le 9 mai 2020

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