Récit esthétique, histoire ubuesque

Ce film est aussi beau visuellement qu'il est émotionnellement dur à supporter. C'était la promesse de la bande d'annonce. Promesse tenue, donc.


Il offre à mon sens une perspective inédite sur l'Ouest. On y retrouve tous les poncifs du genre, mais entremêlés d'une manière "vivante". Une chose en amène une autre, tout naturellement : le saloon avec ses prostituées, règlement de compte à OK Corral (avec une petite subtilité bien sympathique cependant), les mineurs (juste évoqués), les truands qui s'entretuent pour quelques grammes d'or, les immigrants de toutes origines, la (paisible) vie de ferme, les bagarres d'ivrognes, la petite carriole perdue dans le wild, l'apprentissage du maniement des armes à feu, et tout le tintouin. Il ne manquait qu'une bande d'indiens pour compléter le tout (et honnêtement, je les ai attendus, même juste évoqués, même en mode totalement HS, juste pour la gloire).


J'ai adoré le style de la narration qui s'enfonce progressivement dans le passé pour donner du sens au présent, aux phobies, au mutisme, aux actions. En remontant le temps par chapitres entiers, le réalisateur nous épargne l'horrible technique des flashbacks et rend le récit brillant et chargé de révélations (ne prétendant pas être des twists pour autant)... Seul bémol : le contenu de ce récit est poussif. Très poussif. Non, VRAIMENT. Ce film est quasiment un dictionnaire des déviances sexuelles. On y retrouve quelques-uns des fantasmes et pratiques les plus malsains : inceste, pédophilie, sadisme, pédérastie (?), viol, autoassassinophilie... On ne sait jamais jusqu'où l'insanité ira. Cela génère une tension permanente et rend Brimstone dérangeant mais surtout lourd, comme un gros instrument de torture qui voudrait faire mal partout à la fois, une machine de guerre impossible à manoeuvrer, mais qu'on voudrait sur tous les fronts. Et ça en devient ridicule. C'est trop. Trop sombre, trop sordide, trop absurde. Et puis après avoir fait gober tant d'horreur, il FAUT donner un exutoire au spectateur. Dans Dogville, c'est ce splendide moment où Grace (Nicole Kidman) juge les habitants responsables de son calvaire indignes de vivre, abandonne son humanité (aveugle selon son père) et les fait tous abattre comme des chiens. Tous : hommes, femmes, enfants, vieillards. Dans Brimstone, non. L'héroïne, malgré tout son prodigieux courage, sa farouche volonté de vivre, son intelligence redoutable, ne trouvera pas de répit. Et c'est super énervant. Il n'y a pas de vraie libération. Toute cette tension accumulée n'aboutit nulle part. Rageant.

Anahane
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le 11 juin 2017

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