Le mot « divertissement » est un mot respectable ; mais il m'est trop faible pour qualifier Bronson. Il m'a tant fasciné que j'en ai oublié la notion même de divertissement. C'était au dessus de ça.
J'étais tant captivé par ce film que je m'en suis senti comme psychiquement captif.


« Mais, Veather, si tu as tout oublié en voyant ce film, c'est justement le propre d'un divertissement, non ? »
Tais-toi donc lecteur inopportun, tu bousilles mon intro. J'essayais de faire une figure de style. T'a tout gâché. M'énervent ces pinailleurs avec leur sens critique. Je peux parler du film maintenant ? Personne ne va éplucher mes phrases ? Bon. Merci.


Pour moi, qualifier Bronson de simple divertissement, serait comme ne parler que de l’œuvre sans parler de qui l'a inspiré et de ceux qui l'ont rendue possible : une insulte.


Je n'aime généralement pas les biopics. Ceux qui ont la prétention de parler de quelqu'un comme si ils savaient qui il était, ce qu'il voulait.
Nicolas Winding Refn (N.W.R. c'est plus court) ne voulait pas faire un biopic, au contraire : un film théâtral s'inspirant librement d'une personnalité pour aborder des thèmes bien plus larges, pour créer un film à la personnalité aussi forte que celle qui l'inspire.


Je n'invente rien, cette critique sera rédigée en tenant compte des interviews du réalisateur et de Tom Hardy, deux des interviews les plus intéressantes que j'ai pu voir jusque-là, notamment celle de N.W.R. qui se confie de manière très personnelle. Ces deux interview font pour moi partie intégrante du film lui-même. Je vous conseille VIVEMENT de vous pencher sur ces interviews si vous avez vu le film. L'enregistrement du vrai Bronson qui parle de sa rencontre avec Tom et son avis sur le fait qu'on fasse un film qui parle de lui vaut également le détour.


« Il dit beaucoup trop le mot « interview », c'est lourd ! »
TA GUEULE !
Retournons à nos moutons.


Deux éléments sont les piliers de Bronson : le personnage qui existe et dont le film s'inspire, et la part d'autobiographie que N.W.R. y insuffle. Car si le réalisateur ne connaît pas l'homme et ne prétend pas le connaître, il se retrouve en lui. Tout du moins, l'attitude connue de Charlie Bronson reflète beaucoup sa vision de la vie.


Il y a du vrai personnage dans ce film, je suis sûr qu'il y a de l'authenticité ; le fait qu'il y aie de vraies citations du bonhomme dans le texte et que Tom Hardy l'aie rencontré en atteste. Difficile cependant d'en mesurer le pourcentage.
Toutefois, si il y a bien une volonté de faire vivre un bout de réalité, faire un portrait précis du vrai Michael Peterson -alias Bronson- n'est absolument pas le but. J'aime ce parti pris.


Dans son interview, N.W.R. dit :
« L'art est une forme de violence, parce qu'il nous violente ».


En ce sens, peu importe la manière qu'on a de l’exprimer, il y a de la violence en nous. Ne galvaudons pas le mot violence : je parle ici de la force brutale, l'énergie naturelle contenue dans une expression physique, psychologique ou artistique, pas forcément d'agressivité, trop souvent associée à tort au concept de violence.


Je vais maintenant plus cibler le film et pourquoi je l'aime. Tout d'abord, l’interprétation de Tom Hardy, que sa réputation d'acteur précède, ne m'a pas bluffée. Non. Non non non. Elle m'a envoûtée, hypnotisée, obnubilée, mais d'une force ! J'y ai cru, parce que Tom y croyait. Quand un acteur s'efface totalement pour son personnage, s'inflige des sévices physiques et devient quelqu'un d'autre, ça donne Tom Hardy dans Bronson.
Les acteurs qui l'entourent ne déméritent pas. Et même dans un film où les projecteurs sont braqués sur lui, où tout tourne autour de lui, Tom Hardy laisse les autres exister. C'est ce que j'appelle une performance d'acteur monumentale.


Dans certaines de mes critiques (arrêtez de dire que je ne fait que ça, c'est agaçant) je met de moi-même dans le texte tout en parlant de l’œuvre, parfois-même je parle plus de moi, mais ça garde un rapport avec ce que l’œuvre m'a apporté.
N.W.R. dit de l'art qu'il nous change, fait partie de nous et nous fait évoluer. Il a mis énormément de lui-même dans ce film, au point qu'il parle plus de lui dans le personnage de Bronson que de Bronson lui-même.
Bronson est un film inspiré d'une histoire vraie qui a inspiré N.W.R. pour inventer le personnage de Bronson dans ce film.


Ce n'est pas un film qui icônise un homme, c'est un film qui parle d'un homme que les médias ont icônisé. Ce n'est pas un film qui prétend décrire une réalité, mais l'image qu'on peut se faire d'une réalité.
Bronson est tout sauf didactique, est volontairement libre d'interprétation.
Bronson ne dit pas quoi penser et se moque de ceux qui ont peur de ne pas comprendre.
Bronson m'a plus frappé avec des images qu'un connard avec son coup de pied dans mes couilles, et croyez-moi ça m'est arrivé et c'est une sensation que je ne souhaite à personne.


Et pourtant Bronson n'est pas dramatisant, pas dans le sens commun du terme, il se présente comme un film étonnamment léger compte tenu de la violence et de la folie qu'il évoque.


Je ne sais pas ce qui parle le plus dans cette œuvre : les mots qui y sont dit ou les images qui s'y enchaînent dans un montage puzzle -pas artifice prise de tête, puzzle- car le film se décrit de lui-même avec certaines de ses phrases, et ses images arrivent à retranscrire à la fois la dureté du propos et l'amusement délibérément exagéré et fondu de sa forme cinématographique.


Parvenir à une forme d'esthétisme suave et agréable à l’œil sans effacer le côté sale et vrai de l'histoire, peu de film le réalisent, c'est souvent soi l'un, soit l'autre.


Bien sûr c'est ma modeste perception d'amateur juvénile, et ces mots que je tape sur un clavier n'en sont que l'approximative description. Est-il même utile de le préciser ?


Alors que ce film vise à nous faire sortir de la zone de confort -et ça marchera sur une partie de son public- il n'en est pas pour autant dérangeant comme peut l'être Orange Mécanique, une des œuvres qui ont inspiré le cinéaste dans sa démarche.


Le personnage tel qu'il est décrit à quelque chose d’enfantin. Alors que nous évoluons vers une normalisation pour nous intégrer à la société, Bronson reste lui-même depuis sa naissance. Il n'obéit qu'à ses instincts, ses pulsions, ce que lui dicte sa conscience. Il ne supporte pas qu'on lui dise quoi faire, ni qu'on croie savoir ce qu'il veut. Personne ne peut le savoir. Ça, c'est le propos principal du film, l'essence même. On peut apprécier le film sans penser à ça, mais cela revient à passer à côté de son intérêt. Je l'ai ressenti dès le début et j'étais ravi de le voir confirmé par N.W.R. dans l'interview.


Tout cela (que j'ai vraiment vu comme de la maestria) semble fait avec quatre bouts de ficelles ; du budget réduit résulte un de ces films artisanaux qui prouvent qu'il ne faut pas beaucoup d'argent pour créer de l'art corrosif et viscéral.


Je ne sais pas si on peut « aimer » ou « détester » le caractère, est-il même définissable ? Il n'a pas de notion de morale, de comportement prévisible, d'esprit rationnel. Ça n'en fait pas un fou non plus. Nous serions tous aussi étranges et incompréhensibles que lui si nous n'étions pas pliés aux règles sociales et éducatives que la masse nous inculque pour nous incorporer en elle.


Bronson a résisté, est resté lui-même, et le monde dans lequel il vit n'accepte pas ça. Il ne s'agit pas de « bien », de « mal », ou de conneries dans ce genre.


C'est une caractérisation de la dissidence qui me plaît parce qu'on peut s'y relater, on peut retrouver une part de nous dans Bronson, au même titre qu'avec le Joker de The Dark Knight par exemple. D'ailleurs quand Bronson est sur les planches -la part plus fantasmagorique du film- il évoque une possible version du Joker de l'univers Batman.
Ce film m'a titillé au point d'avoir envie de me comporter comme lui.


Nous avons tous des films qu'on aime particulièrement et qu'on s'évertue à vanter. Je ne cherche pas ici à défendre quoi que ce soit, ni à vous convaincre à adopter mon point de vue ; encore moins à vous faire croire que je l'ai compris mieux qu'un autre. Ce n'est pas et ne sera sûrement jamais ma motivation à écrire. J'essaye juste de décrire avec mes moyens et mes limites ce qui est devenu instantanément un de mes films préférés.
C'est un peu ce qu'a fait N.W.R. en le menant.


Visuel, humain, spontané, parfois même improvisé, Bronson s'impose dans mon intellect comme dans mes tripes en œuvre majeure, là où beaucoup ne verront au mieux qu'un bon film. Une nouvelle brique insolite qui vient agrandir le palais représentatif et évolutif de mon amour inconditionnel du cinéma.


« L'intro était nulle, mais ce dernier paragraphe est pompeux et incompréhensible. Franchement, je préfère lire TheBadBrea... »
TA GUEULE ! TU M'ENTENDS ? TA GUEULE !

Veather
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le 3 sept. 2015

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Veather

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