Bronson : un nom simple pour un personnage et un film atypiques. Charles Bronson est considéré comme le détenu le plus dangereux du Royaume-Uni et a passé plus de 40 ans en prison dont les trois-quarts en cellule d’isolement. Le film dépeint certains passages de sa vie derrière les barreaux, explore sa nature farouche et brutale et s’intéresse à son changement progressif de personnalité.
Nicolas Winding Refn s’appuie sur des contrastes lumineux très bien maîtrisés et qui couplés à une mise en scène hard, parfois presque trash, donnent au film une forme artistique finale très réussie. Là où nombre de réalisateurs se seraient enfoncés droit dans un mur avec une surenchère d’affrontements physiques répétitifs, NWR impose sa vision électrique et hypnotique.
Bronson est une œuvre d’art plus qu’un film, un objet visuel qui s’apprécie plus pour son esthétisme et son ésotérisme que par la qualité de son intrigue. La démarche initiée par Nicolas Winding Refn se focalise sur les différentes formes d’expression de la violence dans sa nature la plus pure. Le réalisateur danois a confié que « L’art est un acte de violence. Je m’intéresse aux extrêmes, un mélange de poésie et de violence ». Cette démarche constitue le fil conducteur de sa filmographie. Après l’avoir exploré à travers les magouilles et les malchances du milieu de la drogue danoise dans la trilogie Pusher et Bleeder sous une toile fond très réaliste, il cherche à atteindre une transposition plus brute et épuré qu’il emmènera à un autre niveau dans son film suivant Valhalla Rising. Bronson est en quelque sorte le film charnière de la filmographie de NWR, celui dans lequel la violence oscille entre réel et surréel, celui qui ouvrira vers la deuxième partie de sa carrière et les fameux Valhalla Rising, Drive et Only God Forgives.
Cette exploitation unique de la violence a ouvert la voie à d’autres œuvres notamment dans l’univers carcéral avec les deux petits bijoux Hunger et Les Poings contre les Murs qui reprennent l’approche psychologique ultra-violente. Mais c’est Bryan Fuller avec sa série Hannibal et cette violence absurde, gratuite mais toujours artistique qui se rapproche peut-être le plus de ce que NWR a voulu faire.
Dans le rôle de Charles Bronson, Tom Hardy dégage une force brute et indomptable qui va de pair avec cette quête infinie vers l’aboutissement de la violence. Pour le héros, brutaliser n’est pas une forme de frustration ou d’abandon mais une science, un art qui demande un investissement de tous les instants. Tantôt drôle ou dérangeant, pathétique ou terrifiant, sa performance ne vous laissera pas indemne.
Dans cette apologie onirique à la violence, Bronson évoque l’œuvre de Kubrick, Orange Mécanique. Par ses plans visuels ultra-léchés, son mode de communication basé sur une défiance et une confrontation de tous les instants. Alors certes le réalisateur danois n’a pas dépassé le maître, loin de là, mais a aussi suscité une forte controverse lors de sa sortie notamment au Royaume-Uni. Une avant-première diffusée à Londres a provoqué une grosse polémique lorsque la voix réelle de Charles Bronson a été diffusé durant la scène de l’ouverture sans l’approbation du Ministère de la Justice britannique.
Alors comment expliquer que Bronson soit si peu évident à regarder, qu’il laisse une impression mitigée en fin de visionnage ? Peut-être qu’à trop vouloir en faire un exercice de style, Nicolas Winding Refn en oublie de faire progresser son histoire, causant de fait une lassitude chez le spectateur.
À la limite du post-modernisme, le réalisateur se joue de la prétention de son personnage principal et tend peu à peu vers l’absurde. On bascule aux frontières d’un univers qui mêle le surnaturel de David Lynch, l’absurdité de Tim Burton ou le symbolisme de Martin Scorsese. Avec Bronson, Nicolas Winding Refn propose une œuvre expérimentale et radicale qui en déroutera sûrement plus d’un mais qui a le mérite de s’écarter du film ultra-classique de prisonnier.