Politique ? Certainement. Thriller ? Bof.

Pas facile d'en dégager quelque chose d'homogène, une ligne claire, de ce film, présenté comme se situant entre thriller et film politique. Ce qui est certain, c'est qu'il est porté par une réalisation et une bande-son très solides et sublimé par les magnifiques quoique désolés paysages de l'Anatolie. De quoi pardonner à Emin Alper de parfois verser dans l'esthétisme gay façon magazines.


En fait, j'ai bien aimé le côté politique du film, dont j'ose imaginer qu'il va bien au-delà de la seule dénonciation des mœurs, us et coutumes de la seule Turquie rurale. Avec une baronnie locale s'arrogeant tous les droits, y compris celui de cuissage, manipulant sans vergogne la population au moyen d'une pénurie d'eau (dont on pressent qu'elle l'a elle-même suscitée) afin d'être réélue et bénéficiant d'un soutien, implicite mais pouvant devenir parfaitement explicite si nécessaire, des institutions policière et judiciaire ainsi que d'une partie de la presse. Armes à feu, chasse, SUV, viol, homophobie, stigmatisation de la communauté gitane, tout ça sur fond de crise environnementale dont les notables entendent tirer profit : voilà un bien joli point de vue sur le monde actuel. Et ça ne serait que la Turquie d'Erdogan ? A d'autres...


Le côté thriller est un peu moins réussi à mes yeux. Bon, l'ambiance un brin pesante qui règne dans la petite ville où se déroule l'action est parfaitement rendue, et ça part tout de même très bien avec la soirée chez le maire. Jusque là, rien à dire, mais c'est ensuite que ça se gâte. L'idée de construire la trame sur le syndrome de la cuite où on oublie tout ce qui s'est passé n'est pas mauvaise en soi. Sauf qu'à un moment donné, dans un thriller, il faut bien dénouer l'intrigue. Et là, plus on avance dans le film, moins on sait ce qui s'est réellement passé au cours de la soirée tragique, régulièrement évoquée à travers des flashbacks qui maintiennent l'incertitude jusqu'au bout. Sans doute un parti pris, peut-être une manière de dire que finalement la réalité a peu d'importance en regard de l'histoire que veulent raconter ceux qui sont au pouvoir.


Du coup, ce Burning Days n'est peut-être en tout et pour tout qu'un (bon) film politique.

Marcus31
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le 28 mai 2023

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Marcus31

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