C'est arrivé près de chez vous n'est pas seulement un réjouissant objet filmique non identifié issu de Belgique, vaguement inspiré de l'émission culte Strip Tease, dont l'humour noir décapant en fera rire aux éclats beaucoup, en choquera certains, et révélera au monde notre Benoit Poelvoorde national.
C'est arrivé près de chez vous c'est aussi une satire qui exécute en place publique les dérives des médias qui ont sans doute toujours existées (voir Network de Lumet), mais que Belvaux, Bonzel et Poelvoorde voient s'intensifier en ce début des années nonante.
Le film est un pamphlet rigolard au sujet du voyeurisme des médias, près à tout sacrifier, de la déontologie la plus basique aux preneurs de sons successifs du film, sur l'autel de l'audience à tout prix. Le film va même jusqu'à accuser les médias de complicité dans l'atrocité puisque la joyeuse bande qui suit Ben finira par participer, d'abord de loin, puis de plus en plus près à ses crimes afin de continuer son "reportage".
C'est arrivé près de chez vous ne parle pas du futur, mais bien de ce qui se passe tous les jours près de chez vous, comme son titre l'indique, et même à l'intérieur de vos foyers, l'horreur pénétrant chaque jours à travers vos écrans, à l'époque de télévision, mais elle n'y est désormais plus cantonnée.
Le film de la joyeuse bande de trublions n'est pas une mise en garde, c'est un constat, noir, amer, et provocateur au sujet de médias en perte de repères, devenus vecteurs de violence et d'angoisse et ayant perdus tout esprit critique et toute faculté d'analyse sur eux mêmes. Cette critique peut d'ailleurs s'étendre aux spectateurs car ils ne sont pas uniquement victimes de ce qu'on expose à leur curiosité morbide. Et comme il est toujours difficile de trouver un moyen pour gérer toutes les angoisses profondes qui nous enserrent le cœur et l'esprit, les trois pieds-nickelés n'ont trouvés que l'humour, aussi méchant et noir soit-il, pour faire passer la pilule difficile à avaler d'un monde médiatique en déliquescence.
Alors oui, dans C'est arrivé près de chez vous, on rigole beaucoup, on est choqué parfois, mais il reste surtout un malaise face à une pochade qui analyse plus finement qu'elle ne pourrait le laisser penser les dérives de tout un système sacrifiant tout dans sa quête d'audimat, y compris nos pauvres cerveaux.