Le cinéma d’horreur est dans une drôle de phase : en gros, d’un côté, il y a les blockbusters, presque tous portés par la marque James Wan (on parle même de Cinematic Universe, c’est dire si l’entreprise pue du cul) s’apparentant à attractions de fête foraine, et de l’autre, il y a les films indépendants, tablant sur une approche plus intimiste de leurs personnages, palliant leur budget rétréci par une vision plus dépouillée d’effets. It, avec son ambition revivaliste Super 8, n’entre jamais dans la deuxième catégorie.


It, nouvelle version, s’ouvre sur une petite scène de dialogue entre deux frères. Et déjà, purée, tout sonne faux. L’impression de voir un dérivé du décorum Stranger Things (idéalisation nerdiste des années 80 en filtres saturés, traitement numérique HD et gamins spielbergiens) saute à la gueule, comme s’il s’agissait d’une marque de fabrique, et non d’un travail d’orfèvre, bref, d’auteur. Et, en même pas cinq minutes, on retrouve les habituels effets horrifiques que James Wan a popularisés : fixation de la caméra sur un objet anodin avec une musique très lourde, jump-scares venant des recoins sombres comme un automatisme, et une propension maladive au jeu de caméra bordélique. En sort une impression de vouloir être épaté à tout va : plus l’image bouge, plus les cadrages sont tiltés, plus les travellings sont ostentatoires, et mieux ce sera.


Bref, ça commence mal, et la première apparition du clown, hyper connotée, tellement caricaturale, ne fait que renforcer l’impression que tout ne sera qu’un mauvais et bête moment, plein de gamins sortis d’une pub de vêtements de mode, de plans artificiels en caméra drone, de fausse peur (les affres du jump-scare et des basses qui tremblent, le cancer). Mais là ! survient un truc vraiment surprenant, une image que l’on aurait pas vue dans un blockbuster de ce type, un truc d’une violence rare et surpassant assez largement la glauquerie de l’ouverture de la version TV de Tommy Lee Wallace. Le doute est-il permis ? It va-t-il être ce après quoi court la majorité des amateurs de films d’horreur : le frisson subtil ?


Non. Tout le reste ne sera plus qu’une succession de sketchs un peu désolants, perclus de monstres numériques courant comme des mongols, d’images déformées censées faire peur, de ratages de mise en scène (plus ça va vite et plus on croit créer du rythme, où est passée la lenteur, le cinéma ?), d’idées vues et revues (le clown, autrefois candide / monstrueux, n’est plus qu’une caricature, bête, grasse, boursouflée), de neuneuserie sentimentale d’une connerie monumentale, de revival grotesque 80’s (la décennie de la honte) pour crétins mélancoliques d’une époque qu’ils n’ont pas connue.


Il y a même un truc odieux, puant : une gamine de 13 ans dirigée comme si elle en avait dix de plus et oversexualisée, filmée comme si le réalisateur cherchait à la mettre à poil avec sa caméra. La première partie est à ce titre insoutenable, quelque part entre beauferie maladroite, image publicitaire embarrassante, et relents pédophiliques intolérables. Alors, quand en plus, Muschietti observe la menace incestueuse que représente le père de la fifille avec une lourdeur exaspérante, on ne sait plus trop où regarder. L’hôpital qui se fout de la charité. Fin de l’aparté.


Muschietti, tiens donc, puisqu’il en est question : ce type, avouant une passion pour le métal et le hard-rock (les mauvais goûts se retrouvent), qui avait déjà réalisé une merde absolue portée aux nues par les critiques, « Mama ». Entre les deux films se retrouve une passion pour les mouvements saccadés, traduit par des courses frénétiques qu’un monstre trace vers la caméra dans un vacarme assourdissant, histoire de créer la peur. Ces pantins désarticulés, auxquels Muschietti a recours plusieurs fois, montrent bien la limite du réalisateur : il est de ceux qui cherchent la stupeur immédiate, l’image grossière qui surprend, et non de ceux qui provoquent la terreur, qui s’immisce, qui grouille et qui rampe sous la peau. Il est un amuseur de foire et non un cinéaste (affiliation directe à James Wan, qui, lors de son Conjuring 2, usait des mêmes procédés foireux au cours d’une course-poursuite potache entre un Slenderman filmé dans un grand angle ridicule et un gamin que l’on aurait préféré voir crever). Que Muschietti regarde Kairo ; dans ce film, un monstre, tendance poupée, s’avance face caméra dans une danse démantibulée qui rejoindrait, dans l’idée, les pitreries du clown de Ça. À un détail près : le spectre de Kairo s’avançait au ralenti, presque trop doucement. Et là, on avait le temps d’avoir vraiment peur.


Il n’y a qu’à un moment, fugace, où la mise en scène se montre inspirée : lors du l'errance de l’ado à la mine patibulaire dans les égouts, dont l’avancée se ponctue de prises de lumière au lance-flamme artisanal. Lors de cette seule scène (ou plutôt, séquence), Muschietti parvient à créer de la lenteur, à infuser du mystère, à jouer avec intelligence sur la peur du noir grâce à un habile jeu de champ en grand angle, contre-champ en vue subjective. Mais c’est bien trop court, et tout le reste est nul, jamais original, décidément bien trop pudding, coincé entre le matériau du roman, et l’ambition de faire un objet mode, croisé d’esthétique écrasée Stranger Things et de volonté roller-coaster Insidious. Rien ne flotte ici bas.

Ca_lope
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le 10 sept. 2017

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